ANALYSES

Proche-Orient : « Tout peut basculer dans l’horreur »

Presse
18 novembre 2012
Pascal Boniface - Le Parisien

Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) Pascal Boniface est auteur de livres de géopolitique, dont certains consacrés au Proche-Orient. Il estime que la situation entre les Israéliens et le Hamas pourrait dégénérer en un conflit majeur.


Peut-on craindre une guerre entre Israël et les Palestiniens ?

L’enchaînement des faits est très inquiétant, tous les facteurs sont réunis. La mobilisation  de 75 000 réservistes de l’armée israélienne est un signe fort : c’est plus que lors de la précédente opération Plomb durci en 2008, qui avait débouché sur un terrible conflit.


Quels sont ces facteurs ?

Des deux côtés, de nombreux éléments poussent à l’affrontement. Côté israélien, l’imminence des élections joue un grand rôle. En 2008, Plomb durci avait déjà été décidé en période électorale par le parti au pouvoir, Ka dima, pour répondre aux critiques de mollesse de l’opposition menée par Nétanyahou. Aujourd’hui, c’est lui qui est au pouvoir. Il est allé trop loin désormais et ne peut pas reculer sauf s’il obtient quelque chose qui lui permette de sortir  la tête haute. En face, le Hamas est aussi fragilisé. Il doit affronter le regain de forme de ses concurrents du Fatah, revenus sur le devant de la scène en demandant a l’ONU la reconnaissance de la Palestine. Et il est aussi dépassé par des petits groupes plus radicaux, islamistes, qui critiquent la trêve décidée avec Israël. Un de ces groupes incontrôlables est d’ailleurs à l’origine des tirs de roquettes qui ont déclenché les hostilités.


Pour la première fois depuis longtemps, des villes comme Tel-Aviv ont été visées par des roquettes longue portée. Le Hamas dispose-t-il de moyens militaires nouveaux ?

On ne peut pas le savoir précisément, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils améliorent leur arsenal en permanence. Ces roquettes longue portée en sont la preuve, mais ils disposent d’autres moyens comme des armes antichars plus puissantes. C’est un élément déterminant qui a dû jouer dans la décision d’une attaque au sol prise par Israël.


Le Printemps arabe et les changements de régime dans les pays voisins d’Israël pèsent-ils dans ce contexte ?

Evidemment, c’est déterminant. Israël se sent moins en sécurité. Pour la Syrie, paradoxalement, le régime d’Al-Assad, anti-israélien, est plus sûr car il permet d’avoir une frontière bien contrôlée. Si le régime change, c’est l’inconnue, et c’est très inconfortable pour les Israéliens. Au sud, le Printemps arabe a porté au pouvoir en Egypte ou en Tunisie des régimes plus proches du Hamas. L’ancien président égyptien Moubarak était très hostile au Hamas et avait mis en place un blocus de Gaza aussi strict que celui des Israéliens. Aujourd’hui, le blocus est plus relâché, les tunnels acheminant des amies sont moins contrôles.


Y a-t-il un moyen d’éviter un conflit majeur ?

Pour l’instant, on est dans une situation connue : tirs de roquettes, répliques israéliennes, surenchères verbales… Chacun est encore dans le contrôle. Mais ce type de situation peut basculer dans l’horreur comme en 2008. Ce qui a changé, c’est que les possibilités de médiation ont diminué : l’Egypte remplissait ce rôle avant, va-t-elle continuer ? Les Etats-Unis ont réaffirmé leur soutien à Israël, même si Obama en veut beaucoup à Nétanyahou d’avoir été si loin. Mais ils ne peuvent pas jouer les intermédiaires car ils refissent de parler au  Hamas. Quant à l’Europe, comme toujours, elle est aux abonnés absents.


Une guerre israélo-palestinienne pourrait-elle avoir des effets sur la situation intérieure en France ?

C’est un risque indéniable. En France, nous n’avons pas réussi à sanctuariser le conflit israélo-palestinien. Il est à craindre qu’une nouvelle guerre aurait des conséquences chez nous.

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