ANALYSES

« Un climat peu propice aux affaires »

Presse
24 novembre 2012
Kader Abderrahim - La Nouvelle République

Jean-Pierre Raffarin en première ligne, la France s’est engagée dans une opération de diplomatie économique envers l’Algérie. Lin terrain complexe, selon le politologue Kader Abderrahim.


L’Algérie est restée à la marge des révolutions arabes. Peut-on pour autant considérer que le pays est stable aujourd’hui ?

II y a un gouvernement, un chef d’État, une administration, une police… Tous les attributs d’un État. Sur le plan social, c’est une autre question : il y a tous les jours des centaines de rassemblements de protestation. Les dirigeants tentent de stabiliser le pays en l’arrosant avec la rente du pétrole, mais la situation reste très volatile. Il y a un mal-être dans la population, pas de projet politique, une corruption endémique dans l’administration et le milieu politique, une jeunesse sans perspective…


L’Algérie est courtisée sur le plan diplomatique et économique. Comment l’expliquez-vous?

Bouteflika, qui est un diplomate plutôt habile, a réussi à remettre l’Algérie au cœur du débat sur les grands enjeux régionaux. Il est un interlocuteur fiable pour la plupart des gouvernements occidentaux. Et le débat sur le terrorisme en a fait un interlocuteur très consulté, car il a une grande expérience de cette question. Grâce à l’argent du pétrole, l’Algérie est parvenue à équiper et former ses soldats, sa police, ses services de renseignement… Et à devenir une puissance régionale.


Pourquoi l’Algérie est-elle si réticente à intervenir au Mali?

II y a beaucoup de divergences sur ce sujet, et la priorité est de maintenir la pérennité du système interne. Beaucoup sont aussi convaincus que ça ne servirait à rien, au regard ce qui s’est passé en Irak, en Afghanistan, en Libye…


Au-delà du pétrole, y a-t-il un réel socle de développement économique?

L’Algérie est le pays au monde qui a l’économie la moins diversifiée. On ne fabrique pas une petite cuillère en Algérie. Tout provient de l’extérieur. C’est devenu critique parce que la facture des importations augmente en volume et en devises, ça devient difficile à gérer. Une transition économique est un processus long, il faut former des gens, adapter son économie, construire des usines, importer des technologies… Ce que l’Algérie ne fait pas. Malgré l’argent, il y a un problème de vision politique : il n’y a pas de projet sur le long terme.


Jean-Pierre Raffarin vient porter des projets d’implantation de trois sociétés françaises. Total, Lafarge, Renault. Ces projets semblent recevoir un accueil mitigé…

II y a deux clans en Algérie : ceux qui sont hostiles à toute ouverture à l’égard de la France, et ceux qui pensent qu’il faut aller chercher les compétences là où elles sont. La France est déjà l’un des partenaires majeur de l’Algérie, même si les relations sont souvent compliquées… Beaucoup d’entreprises rencontrent des difficultés. Plus généralement, l’environnement politique et juridique est peu propice aux affaires, il y a beaucoup d’opacité, d’arbitraire.


Le ressentiment envers la France reste très prégnant ?

II faut faire une nuance entre les dirigeants et la population. Les Français sont généralement bien accueillis par la population. Chez les dirigeants, il y a une grande part d’idéologie, et une manière de maintenir ses prébendes… Ils jouent beaucoup sur la fibre nationaliste parce que finalement, il ne leur reste que ça.

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