ANALYSES

« Un jeu de poker menteur »

Presse
12 décembre 2012
Pourquoi une telle provocation de la part de la Corée du Nord ?

Pour deux raisons. A l’échelle internationale, la Corée du Nord fonctionne depuis vingt ans par le chantage : elle fait monter la pression et réclame ensuite, en échange de sa bonne tenue, des aides extérieures, comme de la nourriture et de l’énergie. D’un point de vue national, il y avait un enjeu très fort aussi : Kim Jong Un n’avait pas encore de légitimité forte à la tête du pays. Il devait donc se présenter comme le père tutélaire de la nation, prouver à son tour qu’il était un grand homme comme l’étaient son père et son grand père.


Les Américains y voient un tir militaire. Y-a-t-il une vraie menace ?

En tout état de cause, ce lancement n’est pas un essai de tir balistique mais plutôt un bricolage. Les Nord-Coréens en sont là où la France en était en 1965, quand elle a lancé son premier satellite. Je ne suis pas d’accord avec la version des Américains. Il est évident qu’il y a des technologies connexes entre le balistique et le spatial, mais dans ce cas précis il n’y a une partie de la fusée tirée qui peut être utilisée pour faire un missile, et il ne serait pas intercontinental. D’après mes informations, le pays ne sait pas encore faire d’armement nucléaire opérationnel.


Pourquoi les Américains affirment le contraire ?

Les Etats-Unis n’en sont pas à leur coup d’essai. Souvenons-nous qu’en 1993, la CIA jurait que la Corée du Nord avait de quoi faire vingt armes nucléaires ! Ils ont peut-être intérêt à tricher sur ce point pour faire monter la sauce et renforcer la contre-prolifération nucléaire. Cela leur donne aussi une bonne raison d’être présent dans cette région du Pacifique et se rendre indispensable aux yeux de la Corée du Sud et du Japon. On est ici dans un jeu de poker menteur.


Les sanctions de l’ONU peuvent-elles peser sur la Corée du Nord ?

L’ONU n’a pas vraiment de légitimité à sanctionner le pays pour ce lancement s’il s’agit effectivement d’un tir de satellite. Et il n’a pas la preuve du contraire. Il le fera certainement, mais cela ne changera rien. La Corée du Nord fait ici quelque chose qui est toléré dans beaucoup d’autres pays. Il y a quinze jours, son voisin du sud a essayé de lancer un satellite, mais n’a pas réussi. La Corée du Nord n’est donc pas sanctionnable sur ce point. Et il le sait : le pays a déjà prévenu qu’en dépit des avertissements de la communauté internationale, il continuerait son programme spatial.

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