ANALYSES

« L’Egypte est enfoncée dans une succession de violences et d’accalmies »

Presse
29 janvier 2013
Didier Billion - Les Echos.fr
Peut-on craindre une déstabilisation de l’Egypte ?

Elle est déjà déstabilisée depuis la chute d’Hosni Moubarak en février 2011. On constate la difficulté du pouvoir, malgré deux référendums, une élection présidentielle et une législative, à assurer une transition démocratique et la stabilité politique, économique et sociale. Il faut donc s’attendre à des flambées régulières de violence, comme celles qui ont marqué le deuxième anniversaire du début de la révolution, vendredi dernier, ou celles qui ont suivi le verdict à l’encontre des responsables de violences durant le match de football de Port-Saïd en février dernier. Ces violences seront très vraisemblablement suivies de périodes d’accalmie plus ou moins longues. Cette situation éminemment instable se poursuivra au cours des mois, voire des années qui viennent. Sans pour autant que ça débouche sur le chaos ou un risque de guerre civile, qui serait sans précédent dans l’histoire du pays, car les principaux acteurs, les Frères musulmans et l’armée, savent jusqu’où ne pas aller trop loin pour défendre leurs intérêts respectifs.


Quel est l’impact de cette crise institutionnelle sur la vie économique et sociale ?

L’économie égyptienne était déjà en mauvais état sous Moubarak, mais cette tension politique récurrente aggrave la situation. La plupart des tour-opérateurs ont retiré l’Egypte de leur catalogue, alors que le tourisme est un des principaux pourvoyeurs de devises. Les investissements étrangers n’ont pas complètement cessé mais sont en chute libre. Les poches de misère se développent, ce qui ajoute à la tension politique et sociale, le nombre d’Egyptiens vivant sous le seuil de pauvreté augmente rapidement. Les infrastructures de transport ou de santé se détériorent à vue d’oeil. Quant aux négociations pour l’obtention d’une aide vitale du Fonds monétaire international, elles sont dans l’impasse car le Fonds exige des réformes douloureuses, quoique sans doute nécessaires. Notamment que l’Etat cesse de dépenser des sommes folles dans la subvention des produits de première nécessité ; les Frères musulmans au pouvoir n’y seraient pas opposés, étant libéraux sur le plan économique, mais peuvent difficilement assumer la hausse des prix qui s’ensuivrait.


Cette crise peut-elle menacer la sécurité du transit dans le canal de Suez, vital pour le commerce mondial ?

Peuvent survenir des incidents où, de facto, des portions du canal ne seraient plus sous contrôle, mais de manière ponctuelle. On ne peut pas exclure des actions, et pas seulement sur le canal de Suez, d’agents provocateurs, par exemple du régime Moubarak. Mais vu l’aspect crucial pour l’Etat des recettes tirées du libre passage dans le canal, il est évident que l’armée et la police mobiliseront tous les moyens nécessaires pour sécuriser la zone et ramener l’ordre n’importe où dans le canal en deux ou trois jours.

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