ANALYSES

Au Mali, déjà penser à demain

Presse
14 février 2013
Pascal Boniface - La Croix

L’opération militaire française au Mali a-t-elle constitué un tournant dans le mandat de François Hollande ? Le succès apparemment en cours est-il définitif et va-t-il bénéficier sur le plan politique au président français ? Les sondages qui étaient à la baisse depuis son élection marquent un léger sursaut. L’intervention est approuvée par plus des deux tiers des Français, un chiffre supérieur au soutien accordé à l’intervention en Libye en 2011 ou à la guerre du Kosovo en 1999.


II faut cependant être réaliste, l’élection présidentielle est pour dans plus de quatre ans et c’est bien sur le terrain économique et social que François Hollande sera jugé par les électeurs. II n’en reste pas moins que cette opération vient conforter son statut et celui de la France sur le plan international. On lui a reproché son improvisation. Le fait est qu’elle n’était pas prévue. Le plan était d’envoyer des instructeurs avec d’autres militaires européens pour former l’armée malienne, à horizon de la fin de l’année. C’est la poussée des djihadistes qui a conduit à une opération militaire précipitée. Mais François Hollande, auquel on reprochait son indécision et sa mollesse, a fait preuve de fermeté et de leadership. L’opération était risquée et a réussi. Sans elle, les djihadistes se seraient emparés de Bamako. Certains évoquent le risque de créer un Afghanistan en Afrique de l’Ouest. C’est en fait ce qui se serait passe sans l’intervention. Si les djihadistes avaient pris le contrôle de Bamako et de l’ensemble du Mali, il aurait été beaucoup plus difficile de les déloger.


Contrairement à l’intervention en Libye, celle au Mali jouit d’un soutien international fort. Par deux fois, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté en faveur du déploiement de forces dans ce pays. La Russie et, dans une moindre mesure, la Chine, qui bloquent le vote pour une intervention en Syrie, se sont exprimées positivement sur le Mali. C’est la logique de défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté, principe sacro-saint à Moscou. Depuis le coup d’Etat militaire de mars dernier et son échec, les élections n’ont pu avoir lieu, toujours est-il que c’est le président en titre qui a demandé à la France d’intervenir. Par ailleurs la liesse avec laquelle les soldats français, puis, le samedi 2 février, François Hollande, ont été accueillis par la population malienne laisse peu de doute sur le soutien accordé à l’opération. Celle-ci est également soutenue par les voisins africains du Mali, craignant que la déstabilisation ne soit contagieuse. Enfin et surtout, l’Algérie, qui a longtemps hésité à accepter une intervention à ses frontières de peur d’en subir des conséquences négatives sur son territoire, et par opposition de principe, l’a acceptée et soutenue. Alger a compris que l’enracinement d’un kyste djihadiste à ses frontières n’était pas dans son intérêt.


Si des troupes africaines sont en train de renforcer les soldats français, l’Europe se contente pour le moment d’un soutien sans participation. Ce n’est pas extrêmement gênant sur le plan militaire, ça l’est beaucoup plus sur le plan politique. L’Europe, une fois encore, montre les limites de son discours sur la politique européenne de sécurité commune.


Les villes qui depuis quelques mois étaient sous la coupe des djihadistes ont été libérées pour le plus grand bonheur des populations civiles, qui étaient terrorisées et maltraitées. Les djihadistes se sont réfugiés dans des zones montagneuses où il sera plus difficile de les déloger. Il faut bien sûr éviter qu’ils ne reprennent le contrôle des villes du Nord-Mali. Cela implique le maintien d’une présence militaire française africaine le temps que l’armée malienne puisse être opérationnelle.


Il faut surtout que ce succès militaire soit suivi d’un succès politique. C’est ce qui doit différencier l’intervention libyenne de celle au Mali. En Libye, on n’a pas réellement pensé au jour d’après en voulant renverser Kadhafi. La chute du tyran, pour heureuse qu’elle fût, n’a pas débouché sur une stabilisation du pays, mais a plutôt conduit à sa déstabilisation et à celle du Mali. Au Mali, les Français pensent au jour d’après. Cette victoire militaire serait vaine si elle n’était pas suivie d’une solution politique. Si l’on veut éviter que les djihadistes reviennent, il faut bien sûr former l’armée malienne, mais surtout mettre en place une solution politique de la question touarègue. Éviter que des vengeances sur ces populations, de la part de l’armée malienne, ne conduisent à un rejet des troupes de libération qui, comme dans d’autres régions, deviendraient des troupes d’occupation.

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