ANALYSES

Livrer des armes aux rebelles syriens, « une contradiction majeure »

Presse
15 mars 2013

La France et la Grande-Bretagne ont annoncé, jeudi, vouloir armer les rebelles syriens. Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut des Relations Internationales et Stratégique, et spécialiste du Moyen-Orient, estime que c’est une erreur.


Que penser de la décision de la France et la Royaume-Uni de lever l’embargo sur la Syrie ?

Pour le moment il ne s’agit que de déclarations. Malgré tout, cela me parait être une contradiction majeure, au moment où l’on assistait enfin à un début de déblocage politique. La Russie a expliqué qu’elle ne défendrait pas indéfiniment le régime syrien. L’arrivée de John Kerry relance également le processus de contact et d’initiatives. Ces deux acteurs sont de bons indicateurs. Cette décision de briser la résolution de l’Union européenne et de privilégier une solution militaire est une erreur.


L’Union européenne pourrait-elle contrôler l’utilisation de ces armes ?

Bien sûr que non, on va distribuer ces armes à ceux que l’on connait, ceux qui sont fréquentables. Mais la situation est tellement chaotique que l’on ne sait pas où elles vont aller. Il est fort probable que les groupes jihadistes bien présents dans le pays mettront la main dessus et ce serait très contradictoire. La France combat les jihadistes au Mali mais des tonnes d’armement tomberaient dans leurs mains en Syrie. On voit bien que la diplomatie française tangue un peu.


La décision de la France et du Royaume-Uni est-elle un moyen d’éloigner l’intervention militaire en Syrie ?

Très franchement, plus aucun pays ne souhaite intervenir en Syrie. Probablement qu’aucun mandat ne sera voté à l’ONU puisque la Chine et la Russie continuent d’opposer leur veto. Par ailleurs, la configuration syrienne est beaucoup plus compliquée qu’en Libye, où l’armée bombardait le pays de nuit. Enfin, la France est déjà très occupée au Mali. Une deuxième intervention est exclue.


Il y a quelques jours, le président israélien Shimon Pérès a demandé aux pays de la Ligue arabe d’intervenir, est-ce une solution possible ?

Non, la Ligue arabe est profondément divisée sur ce sujet. Il y a des pays comme le Qatar et l’Arabie Saoudite qui sont des soutiens fidèles des rebelles et qui les fournissent en armement et les aident financièrement. Il y a aussi des pays qui sont peu critiques envers le régime syrien comme l’Algérie, le Yémen ou l’Irak. Enfin, vous avez des pays qui ne prennent aucune initiative politique comme l’Egypte. En plus d’être divisée, la Ligue arabe n’est pas capable d’intervenir militairement.


Selon vous, il faut plutôt miser sur une solution diplomatique ?

Exactement. Le régime syrien a les ressources militaires et logistiques pour tenir encore longtemps. Mais si les Russes étaient porteurs de propositions fermes et d’un projet cohérent pour faire tomber Bachar-al-Assad alors ce dernier n’aurait pas d’autre choix que de partir. On ne fera rien sans la Russie.

Sur la même thématique