ANALYSES

Attentat de Boston : « Depuis 2008, Obama a privilégié le renseignement »

Depuis le 11 septembre, la lutte anti-terroriste est une priorité du gouvernement américain. Interview du spécialiste François-Bernard Huygue, chercheur à l’Iris.


L’attentat de Boston pourrait bien être la première attaque terroriste sur le sol américain depuis le 11 septembre 2001. Quel sens doit-on donner à cet événement ?

– Il faut rester encore très prudent sur les informations que nous avons. Mais celui (ou ceux) qui est derrière cette action souhaitait frapper sur un endroit spectaculaire et le marathon de Boston était idéal. Cette course est un événement mythique aux Etats-Unis et diffusée sur toutes les chaînes. C’est un peu comme le Tour de France ici.


L’objectif d’un attentat n’est pas de faire des morts mais de communiquer et de faire la une des journaux. Le choix du marathon peut aussi s’expliquer par la facilité avec laquelle on peut y poser une bombe. Même si, selon les informations partielles dont nous disposons actuellement, le procédé est sophistiqué, il est plutôt aisé grâce à la lecture de quelques revues spécialisées de fabriquer des bombes que l’on déclenche à distance à l’aide de téléphones portables. Pas besoin d’être ancien légionnaire !


Ensuite, le contexte est favorable à la discrétion puisque plus le site d’une manifestation est étendu, plus il est difficile de le contrôler. C’est le cas pour le marathon de Boston où il n’existe pas de portiques de sécurité, il y a une foule nombreuse, qui court, et qui peut porter des sacs à dos pouvant dissimuler une bombe…


Quelles pistes peuvent être privilégiées selon-vous ?

– J’en vois trois : celle d’un djihadiste qui aurait réussi à frapper sur le sol américain, celle d’un membre d’une milice d’extrémistes en fronde contre les politiques de l’administration Obama, comme cela a été le cas lors de l’attentat d’Oklahoma City ou encore celle d’un déséquilibré.


Barack Obama souhaitait rompre avec les excès de la lutte antiterroriste de son prédécesseur George W. Bush. Qu’en est-il aujourd’hui ?

– Barack Obama n’a pas fondamentalement changé les structures de la lutte anti-terroriste depuis George W. Bush. Une administration démocrate ne se traduit pas forcément par un affaiblissement de la sécurité intérieure, bien que les Républicains soient toujours prêts à hurler à la moindre occasion.


Le système est toujours régi par le Homeland security, cette hyper-agence créée au lendemain du 11 septembre, censée réunir tous les éléments de lutte contre le terrorisme. Une usine à gaz selon moi, par rapport à ce que faisaient déjà la CIA et le FBI. La stratégie de l’administration Obama s’est largement appuyée sur le renseignement avec des interceptions de télécommunications qui ont d’ailleurs suscitées des réactions violentes tant ces mesures ont été jugées liberticides.


Sur le plan de la lutte anti-terroriste à l’extérieur du territoire, la grande idée de Barack Obama a été de dire que les Etats-Unis s’étaient fourvoyés en Irak et que le vrai problème venait d’Afghanistan. Pour tuer l’hydre, il fallait régler le problème là-bas, y compris dans les zones tribales pakistanaises, de vraies passoires pour terroristes. Il fallait frapper au cœur et lutter contre l’idéologie de l’extrémisme violent.


Quels ont été les résultats de cette stratégie ?

– Plusieurs attentats ont été déjoués, comme celui fomenté par Faisal Shahzad, cet homme d’origine pakistanaise qui a tenté de faire sauter sa voiture à Time Square. Quant à sa stratégie au Pakistan, en revanche, elle n’a pas été une réussite et sa politique de contre-insurrection en Afghanistan a été hésitante.


Le spectre djihadiste va-t-il ressurgir chez les Américains ?

– Le souvenir du 11 septembre est vif mais la crainte des Américains d’attaques sur leur sol s’était quelque peu endormie depuis quelques années. Mais aujourd’hui, la menace est différente, il ne s’agit plus d’hommes entraînés et envoyés sur le sol des Etats-Unis par un commandement central. C’est plus diffus.

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