ANALYSES

Les événements de Boston prouvent qu’il est toujours possible de frapper l’Amérique

Presse
18 avril 2013
-  [BFM TV.info->http://www.bfmtv.com/international/les-etats-unis-sont-une-cocotte-minute-bord-limplosion-495710.html]

Un attentat à l’arrivée du marathon de Boston, une explosion dans une usine d’engrais près de Waco au Texas, les Etats-Unis sont frappés durement ces derniers jours. Thomas Snégaroff, chercheur à l’IRIS, spécialiste des Etats-Unis, livre son analyse de la situation et du ressenti de la population américaine. Pis, il y décèle les signes d’une atmosphère prégnante dans la société états-unienne. Interview.


Un attentat à Boston lundi, une explosion au Texas mercredi, quel sentiment règne aux Etats-Unis?

Les Etats-Unis sont plongés dans une angoisse profonde. Le pays se sentait à l’abri malgré les attentats déjoués à Time Square en 2010 ou en Géorgie en 2011. L’anniversaire des 10 ans du 11 septembre 2001 avait marqué la fin d’une période, sous la présidence Bush, où l’état d’alerte était régulièrement élevé, parfois même à des fins politiques.


De plus, les Etats-Unis se sont désengagés d’Irak et d’Afghanistan et le sentiment de sécurité revenait. Les récents événements frappent d’autant plus fort qu’ils sonnent comme une piqûre de rappel: il est toujours possible de frapper l’Amérique!


L’absence de revendications renforce-t-elle ce sentiment d’insécurité?

Il y a deux choses: le terrorisme extérieur et le terrorisme intérieur. Le second est bien plus craint car c’est l’ennemi le plus difficile à repérer, celui qui touche à l’unité de la Nation. Ça peut être votre voisin et maintenant que l’on sait qu’il est possible de fabriquer une bombe en quelques minutes sur Internet…


Le terrorisme de proximité renforce le sentiment d’insécurité. Lors de l’attentat d’Oklahoma City en 1995, Timothy McVeight revendique aimer l’Amérique mais pas celle proposée par Clinton qui entrave, selon lui, les libertés individuelles.


Il est plus facile d’être contre quelqu’un qui brûle le drapeau américain que contre quelqu’un qui défend le second amendement par exemple [celui qui autorise le port d’armes, NDLR], plus facile d’être contre quelqu’un qui veut détruire l’Amérique que contre quelqu’un qui croit défendre le pays.


Dans la situation actuelle, il est difficile de passer à l’analyse car le doute subsiste.


Ce doute fait-il craindre aux musulmans américains d’être pointés du doigt ?

Mercredi, un animateur vedette de CNN a d’abord annoncé une arrestation puis a évoqué un individu "dark skin" [un noir, NDLR]. Deux informations qui se sont révélées fausse pour le moment.

Ce genre de commentaires met le feu aux poudres et les musulmans ont peur d’être à nouveau stigmatisés même si Barack Obama s’est montré très prudent et demandé que l’on évite les théories fumeuses.


Les Américains évoquent aussi "le syndrome d’avril"…

Depuis dix ans il y a eu le siège de Waco [du 28 février au 19 avril 1993, NDLR], l’attentat d’Oklahoma City [le 15 avril 1995, NDLR] et désormais Boston. Ces événements coïncident avec le Patriot’s Day qui est un jour fondamental pour l’extrême-droite américaine et les miliciens. C’est un symbole contre l’état fédéral oppresseur.


Il faut aussi bien prendre conscience que l’accident du Texas a eu lieu à quelques kilomètres seulement de Waco, symboliquement c’est très fort et ça renforce l’angoisse. Or, à Waco, comme à Oklahoma, les miliciens étaient concernés au premier chef.


Les menaces de mort reçues par Barack Obama et par un sénateur inquiètent-elles aussi l’opinion?

Barack Obama reçoit des centaines de menaces de mort. On en parle cette fois compte tenu du contexte. C’est surtout la conséquence d’une nation fortement divisée. Le symbole de la cocotte-minute [utlisée dans les attaques de Boston, NDLR] est très parlant car il correspond à la situation des Etats-Unis aujourd’hui.


Un pays où la violence, contenue jusqu’alors, une violence larvée, était restée rhétorique à l’image du Tea Party. La sphère politique américaine rend anxiogène par son agressivité.


Barack Obama a dit sa honte du Sénat après l’échec de la loi sur les armes à feu, c’est symptomatique d’un système qui va mal. Nous sommes parfois atterrés du climat politique français mais il est plutôt apaisé comparé à celui des Etats-Unis. Entre républicains et démocrates c’est la haine à chaque échelon, des élus aux électeurs.


Le discours sur une chaîne comme Fox News est édifiant et, si l’on revient en arrière, l’attaque contre Gabrielle Giffords à Tucson en 2011 intervient après que Sarah Palin a publié, représentés dans une cible, les élus du Congrès à battre.


Barack Obama ne peut-il rien faire?

Il ne peut plus agir, c’est un Roi nu. Il y a eu l’échec du budget où il a dit ne pas pouvoir forcer les républicains à le suivre, l’échec sur les armes donc et surtout un premier attentat sur le sol américain durant sa présidence.


C’est un début de second mandat calamiteux avec des échecs sur toute la ligne.  

Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?