ANALYSES

Livre blanc : quand les effectifs militaires baissent, « il faut un meilleur renseignement »

Presse
25 avril 2013
Jean-Vincent Brisset - FranceTV.info
Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques, décrypte la stratégie de la France en matière de renseignement.

Cinq ans après le précédent Livre blanc, les grandes orientations demeurent : participation pleine et entière à l’Otan, dissuasion nucléaire et adaptation à de nouveaux périls (terrorisme, attaques informatiques, pandémies). Pourquoi tant de similitudes ?

Le Livre blanc de 2008 était assez complet. Celui-ci maintient les principales options. Autant le premier était de la politique au grand sens du terme, autant celui-ci semble plutôt le résultat de marchandage d’intérêts entre Bercy et la Défense. On est dans un résultat de lutte de lobbys, beaucoup plus que dans une vision stratégique. Par conséquent, il reproduit la vision stratégique de 2008.

Comme en 2008, une attention particulière est apportée au renseignement. Pourquoi ?

J’ai souvenir d’une époque assez lointaine où les Israéliens avaient été priés de faire des économies. On leur avait demandé de supprimer deux divisions. Ils en avaient en fait supprimé trois. Et, avec ce qu’ils avaient économisé sur la troisième, ils avaient renforcé leur service de renseignement.

S’il y a des choses qu’il faut préserver à tout prix, c’est un outil de recherche et un outil de renseignement. Car, sans cela, ce n’est pas la peine d’avoir des forces. Cela permet d’intervenir le plus tôt possible. C’est le problème du pompier qui commence à éteindre le début d’un incendie avec un verre d’eau. Le renseignement permet de savoir où est le début d’incendie et de l’éteindre tout de suite. La meilleure manière de sauvegarder le peu de capacité qui va rester, c’est d’avoir un meilleur renseignement.

Cette volonté de renforcer la capacité de la France dans le renseignement signifie-t-elle aussi que nous avons des lacunes ?

Nous avons des lacunes sur le plan du renseignement technique (interception de télécommunications, imagerie satellite…). En particulier, nous manquons de drones. Nous sommes entrés les premiers au Mali, certes. Mais nous avons reçu par la suite le soutien des drones américains, chargés de faire de la reconnaissance. Sans eux, nous n’aurions pas pu faire beaucoup plus. La France n’a pas les moyens d’aller au-delà d’une frappe brutale, coup de poing. Ces lacunes ne nous permettent pas de réussir seuls une intervention à moyen terme.

Par ailleurs, le Livre blanc affirme que "les capacités spatiales de renseignement électromagnétique et de renseignement image seront développées". Est-on aussi en retard dans le domaine des satellites ?

La France n’a pas grand-chose. Il y a des outils, mais ils coûtent extrêmement cher. Est-ce que la France a les moyens de les développer ? Nous ne pourrons pas tout faire et il y a des bagarres de lobbys pour le spatial, le nucléaire. Aujourd’hui, on ne peut pas réduire plus le nucléaire si on veut le conserver. Par conséquent, si la France veut développer davantage de satellites de reconnaissance, il va falloir davantage réduire le reste, par exemple dans des secteurs qui sont moins portés par des lobbys civilo-militaires.
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