ANALYSES

«L’élection présidentielle va définir l’Iran de demain»

Presse
15 mai 2013
Alors que deux nouvelles réunions visant à apaiser les tensions autour du programme nucléaire iranien ont lieu ce mercredi à Vienne et Istanbul, Karim Pakzad, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Iran, explique à «20 Minutes» pourquoi aucun progrès n’est possible dans les négociations avant l’élection présidentielle en République islamique.

Doit-on attendre quelque progrès des réunions de ce mercredi?

Il n’y aura aucune avancée dans les négociations avant la présidentielle du 14 juin. Les négociateurs européens eux-mêmes savent qu’il faut attendre le nom du successeur de Mahmoud Ahmadinejad, qui ne peut pas briguer un troisième mandat successif selon la Constitution.

Pourquoi?

Parce qu’il influencera la ligne des négociations sur le nucléaire. L’Iran a changé d’attitude depuis un an environ, a fait quelques concessions, mais refuse toujours d’abandonner l’enrichissement de l’uranium, même à faible dose. C’est un problème qui reste en suspens, même si les négociations se passent mieux, car les sanctions mises en place par les Occidentaux ont vraiment pénalisé l’économie iranienne. La situation est très difficile pour le pays, qui ne va pas pouvoir résister encore longtemps dans cette situation. La présidentielle va définir l’Iran de demain: vu la situation économique et sociale, les menaces à ses frontières, l’Iran se sent encerclé, isolé, y compris sur le plan militaire.

Qui peut sortir le pays de l’ornière?

Il y a, parmi les plus de 600 candidats, une centaine de candidats sérieux. Une dizaine d’entre eux peut voir sa candidature avalisée par le Conseil des gardiens de la Constitution. Une fois les noms des quatre ou cinq candidats validés, d’ici le 23 mai, on verra plus clairement le rapport de force. L’ex-président Hachémi Rafsandjani apparaît comme le favori pour «sauver l’Iran». Durant son mandat précédent, il a montré qu’il était capable de diriger le pays dans des situations difficiles, et même de l’ouvrir. C’est pourquoi il est le favori des religieux traditionnels, mais aussi de l’opposition centriste et réformiste. Il est le mieux placé, même s’il y a d’autres candidats sérieux.

Lesquels?

Le proche conseiller de Mahmoud Ahmadinejad, Rahim Mashaïe, qui a le soutien du président sortant et a en conséquence l’appareil gouvernemental à sa disposition. Mais il s’est mis à dos les radicaux en promouvant une politique beaucoup plus nationaliste qu’islamiste. Ainsi, sa candidature pourrait ne pas être avalisée, mais cela risquerait de favoriser l’élection de Rafsandjani, en lui offrant les voix des classes moyennes, des citadins, et des nationalistes, aux dépens des candidats conservateurs. Selon moi, sa candidature sera confirmée pour permettre de diviser les voix contestataires. Il y a aussi la poignée de candidats du courant conservateur fondamentaliste, dont Saïd Jalili, négociateur du nucléaire iranien, et candidat prometteur. La rumeur veut que le Guide l’ait poussé à se présenter pour capter les voix, et que les quatre autres se retirent de la course à son profit.

Est-ce que la situation peut dégénérer comme en 2009?

Je ne pense pas. Jusqu’à la dernière élection, les Iraniens étaient fiers d’avoir toujours eu des élections modèles. La société iranienne d’aujourd’hui ne supportera pas à nouveau des fraudes et une répression telle que celle qui a suivi la contestation populaire en juin 2009.