ANALYSES

Armer les rebelles syriens ? : « Washington ne veut prendre aucun risque »

Presse
31 mai 2013
Les Etats-Unis ont beau avoir félicité l’Union européenne qui a levé l’embargo sur les armes en Syrie, Washington n’en demeure pas moins réticente à l’idée d’armer les rebelles. Mais pour quelles raisons? Nous avons posé la question à Didier Billion, spécialiste du Moyen-Orient et directeur adjoint de l’IRIS, l’Institut des relations internationales et stratégiques.

L’Union européenne a levé l’embargo sur les armes en Syrie, mais Barack Obama, qui s’en tient pour le moment à une aide "non létale", ne semble pas disposé à armer les insurgés. Pourquoi?

Si les Etats-Unis ne veulent pas armer les insurgés syriens, c’est bien parce qu’ils savent que la traçabilité est compliquée à mettre en œuvre voire impossible, contrairement à ce que prétendent la France et la Grande-Bretagne. La rébellion est éclatée entre modérés et jihadistes, sur le terrain, il y a donc des risques de concurrence et de perméabilité. Et Washington ne veut prendre aucun risque en armant indirectement des jihadistes. En ce sens, la position américaine est plutôt réaliste. De plus, s’ils fournissent des armes, ils se retrouveraient embrigadés dans "une guerre par procuration" contre la Russie.

Justement, la Russie a indiqué envoyer des missiles sol-air S-300 au régime de Bachar al-Assad. Cette livraison ne constitue-t-elle pas une provocation envers les Etats-Unis?

Si les relations russo-américaines sont plutôt glaciales, l’idée reste de ne pas entrer en conflit. En livrant des missiles à al-Assad, Moscou envoie un signal fort. Le président russe entend se placer à nouveau sur l’échiquier international, et compte bien ne pas se faire avoir comme à l’époque de la crise libyenne. Bref, il n’est pas question pour Vladimir Poutine de repasser sous les fourches caudines.

Si les discussions échouent à Genève, et que les Etats-Unis décident d’armer les rebelles. Que se passerait-il?

Le rapport militaire actuel sur le terrain doit être, à la louche, de 75% pour le régime et de 25% pour les insurgés. Si une livraison d’armes était faite, le rapport serait certes plus équilibré, et l’équation reviendrait à 50-50. Mais qu’est-ce que cela apporterait, à part du chaos? L’alternative la plus raisonnable est celle que les Etats-Unis ont choisie en misant sur la conférence de Genève 2, celle de l’alternative politique.
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