ANALYSES

Ashton au Proche-Orient : «Diplomatiquement, l’Union européenne renvoie l’image d’une non-puissance»

Presse
19 juin 2013
Interview de Pierre Verluise, directeur de recherche à l’IRIS

Catherine Ashton a entamé ce mercredi une visite de deux jours dans les Territoires palestiniens et en Israël. La chef de la diplomatie européenne et ses services sont très critiqués au sein de l’Union européenne (UE) pour leur «manque d’efficacité». Pour Pierre Verluise, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et auteur de Géopolitique des frontières de l’Europe (éd. Argos), si l’UE ne parvient pas à faire entendre sa voix sur la scène internationale, c’est avant tout parce que les Etats membres ne laissent pas le champ libre à la diplomatie européenne.


 


Pourquoi a-t-on l’impression que la diplomatie européenne n’arrive pas à faire entendre sa voix à l’international?



Il faut d’abord être conscient que le poids relatif de l’Union à l’échelle mondiale ne cesse de diminuer. Ensuite, la question de la diplomatie européenne est significative des contradictions des Etats membres à l’égard de l’UE. L’Europe est pleine d’ambiguïté dans ses attentes à l’égard de Catherine Ashton et du service européen d’action extérieure. Et l’ambiguïté tragique du projet, c’est d’avoir créé ce service sans lui abandonner réellement la souveraineté de chaque Etat sur la politique extérieure et la défense. Dans les faits, tous les Etats gardent la main sur leur diplomatie. Il est donc logique que le service européen d’action extérieure ne puisse pas agir. Et cela avec ou sans Catherine Ashton.


 


Elle est pourtant sous le feu des critiques depuis sa nomination en novembre 2009…



Il est vrai qu’avant 2009, Catherine Ashton n’avait pas une expérience diplomatique très impressionnante. Elle a de plus manifestement manqué de charisme pour s’imposer. Il n’en demeure pas moins qu’elle a été choisie en toute connaissance de cause par les chefs d’Etat de l’UE. Un choix qui résulte d’un calcul simple: il fallait pour ce poste quelqu’un qui ne fasse pas d’ombre à chacun des chefs d’Etat et ministres des Affaires étrangères de l’Union. Dès lors, il est malhonnête de tirer à boulets rouges sur elle. C’est parce qu’elle ne fait pas l’affaire qu’elle a été nommée là. Et, tant que les traités qui régissent l’UE ne changeront pas, rien ne changera. C’est la même chose pour tous les «dirigeants» de l’Union, de la haute représentante pour les Affaires étrangères donc, au président du Conseil européen ou de la Commission.


 


La diplomatie européenne n’est donc pas vraiment influente…



Le moins qu’on puisse dire en effet, c’est que la diplomatie européenne n’est pas à l’origine d’actions significatives, sauf pour quelques dossiers. Par exemple celui des relations entre la Serbie et le Kosovo, où Catherine Ashton a contribué à l’apaisement des tensions, même si la Serbie ne reconnaît toujours pas le Kosovo. En ce qui concerne la question israélo-palestinienne, puisque c’est là que se rend Catherine Ashton, historiquement, l’UE ne pèse rien et s’en sort par la «diplomatie du chéquier». Résultat, elle paie mais n’a pas de poids politique, et renvoie l’image d’une non-puissance.