ANALYSES

Trois questions à Pascal Boniface, auteur des Intellectuels intègres

Presse
21 juin 2013

Dernier livre de Pascal Boniface, Les intellectuels intègres – "la médaille du revers" de son précédent ouvrage qui dénonçait Les intellectuels faussaires – propose cette fois de mettre en avant 15 grands intellectuels de notre pays, 15 "références incontestables", comme Stéphane Hessel, Jean Ziegler, Emmanuel Todd, etc.


Pourquoi avoir écrit ce "deuxième tome" ? Est-ce un "livre hommage" ?



Ce n’est pas tout à fait le deuxième tome des Intellectuels faussaires. Un deuxième tome aurait été la poursuite des aventures de ces faussaires ou la découverte d’autres faussaires. Sans être tout à fait un "livre hommage", je voulais montrer qu’il y a aussi une face positive. Il me paraît important de montrer aux nouvelles générations qui sont très conscientes des mensonges et duperies qu’il y a, à côté de faussaires, de véritables intellectuels intègres qui s’engagent gratuitement pour des causes, souvent d’ailleurs difficiles. Des gens qui veulent servir et non pas se servir, fût-ce au nom de bons sentiments. J’ai voulu donner aux jeunes un message d’espoir : "Non le monde n’est pas pourri, oui il y a des gens bien, il y a des gens qui luttent de façon désintéressée, même s’ils sont moins présents dans les médias que les faussaires. "


On dénonce souvent les théories du complot mais la montée en puissance de ces théories n’est que le revers de la médaille des mensonges des élites. Et montrer qu’il y a, à côté des faussaires, des intellectuels réellement dévoués à l’intérêt commun, qui ont une vraie oeuvre, qui peuvent aller contre le sens des vents dominants me paraît être la meilleure façon de lutter contre la théorie du complot.


Quels ont été vos critères pour choisir ces 15 "intellectuels intègres" ?



Autant lorsque j’ai choisi "les faussaires", je savais que je m’en faisais des ennemis, lorsque j’ai choisi "les intègres", je savais que je risquais plus de me fâcher avec ceux qui n’étaient pas sur la liste. Quel était le critère de sélection ? Toujours subjectif. Je suis spécialiste des questions internationales. Pour "les faussaires" j’ai pris des gens qui intervenaient peu ou prou dans ce domaine. J’en ai fait de même pour les intègres. Par contre je n’ai pas pris les professionnels des questions stratégiques, mes collègues, d’une part pour ne pas donner le sentiment que je faisais des règlements de comptes. 


D’autre part parce que dans la définition de l’intellectuel, celui-ci est celui qui sort de son domaine. J’ai donc pris des gens qui, sans être spécialistes des questions stratégiques, sont intervenus dans ce champ. Tzvetan Todorov me paraît être une bonne illustration d’un philosophe, qui après avoir beaucoup écrit sur la morale en est venu à écrire sur les questions internationales à partir de sa spécialité.


Certains pourraient dire que l’exercice est un peu facile, loin du tranchant des Intellectuels faussaires.



Oui effectivement on a toujours plus de réactions lorsque l’on dénonce que lorsque que l’on parle de ce qui va bien. Le train qui déraille attire plus que ceux qui arrivent à l’heure. À quoi ce livre peut-il servir ? Ce n’est pas un livre d’autocélébration ou d’admiration mutuelle. Je pense qu’il est utile pour le public et notamment des étudiants de se rappeler du parcours des uns et des autres et surtout, outre la courte biographie que j’ai rédigée, le plus important est l’entretien que j’ai fait avec chacun d’entre eux ou chacun, du haut de son intelligence, apporte une véritable réflexion novatrice sur le rôle de l’intellectuel en France.


Le rapport aux médias, le rapport au temps, le rapport entre le partage entre le fait de comprendre et le fait de faire comprendre, que 15 cerveaux brillants puissent parler de leur conception du rôle de l’intellectuel dans un pays où ce statut est très particulier me paraît très intéressant. Par ailleurs, malheureusement, ce fut l’un des derniers entretiens que Stéphane Hessel a accordés.