ANALYSES

Mais qui a eu cette idée folle d’organiser les JO d’hiver dans une des régions les plus chaudes de Russie ?

Presse
7 juillet 2013
Les prochains JO d’hiver  se tiendront à Sotchi en Russie du 7 au 23 février 2014. Cette ville se situe près de la mer Noire et profite d’un climat doux. Dans un rapport écrit par Boris Nemtsov, l’un des opposants russe, ce dernier s’interroge sur le choix de la ville et les conditions de cette décision.  Pourquoi avoir choisi cette ville plutôt qu’une autre qui se situerait dans une région plus froide ? Qui aurait un intérêt à ce que ces jeux se déroulent dans une station balnéaire malgré tous les problèmes que cela peut impliquer : manque de neige, risque d’un hiver trop chaud…

Si Sotchi a été choisie c’est tout simplement parce que les stations de ski du Caucase occidental sont les meilleures de Russie du point de vue de la situation géographique et des infrastructures. Il n’y avait guère d’autre alternative.


Bien sûr l’hiver est toujours glacial dans l’Oural. Mais les plus hauts sommets n’y culminent même pas à 1900 mètres et se situent dans une région dont l’équipement ne permet pas d’accueillir un afflux de foule massif. Dans l’Altaï, vous êtes en Sibérie, avez des sommets qui approchent l’altitude du Mont-Blanc. Mais vous êtes à la frontière de la Mongolie et de la Chine, loin de tout, dans une zone difficile d’accès.


Alors bien entendu Sotchi est une station balnéaire. Son climat n’est même pas continental, il est subtropical. Mais Nice n’est pas le grand nord non plus. Et bien des Niçois sont tous les week-ends sur les pistes de ski en hiver. Depuis Sotchi, Krasnaïa Poliana, la station qui accueillera les épreuves de ski alpin, n’est qu’à 40 kilomètres. Son domaine skiable est, je crois, tout à fait correct et facile d’accès depuis Sotchi qui a l’avantage, avec son port et son aéroport, de disposer d’une large ouverture sur le monde.


Dans ce même rapport,  Boris Nemtsov révèle que près de 23 milliards d’euros, initialement prévu pour les JO, auraient été détournés par Vladimir Poutine et certains de ses hommes d’affaires proches (pas d’appel d’offre notamment) : "Les jeux Olympiques sont un projet personnel pour Poutine et il est clair que ceux qui ont volé l’argent sont ceux qui sont proches de ce même Poutine". La fête des JO est-elle d’ores et déjà entachée par des affaires de corruption ? A quels niveaux ?

Je pense malheureusement que les Jeux olympiques comme la coupe du monde de football et la plupart des grands évènements sportifs sont indissociables du phénomène de corruption. Les JO de Sotchi n’échappent sans doute pas à la règle et les cercles du pouvoir russe ne sont pas épargnés par la corruption. Le récent limogeage du ministre de la défense, Anatoliï Serdioukov, pris les mains dans le pot de confiture, le démontre. De là à dire que Poutine a détourné des fonds il y a un pas que je ne franchirai pas. D’une part parce que le "Poutine’s bashing" est le sport favori de la classe politico-médiatique française pour des raisons essentiellement idéologiques. D’autre part parce que ce n’est pas parce qu’il y a des personnages corrompus au sommet de l’État que tout le Kremlin est à mettre dans le même sac. Hollande à ce que je sache n’a pas trempé dans les combines de Cahuzac et le "tous pourris" ne me semble pas plus sain sur les rives de la Moskova que devant le Palais-Bourbon.


Quant à Boris Nemtsov, l’accusateur, il a été vice-Premier ministre de Russie sous le second mandat de Boris Eltsine, à une époque où "la famille" cette mafia d’oligarques et de proches d’Eltsine, pillait allégrement le pays…Je ne me rappelle pas qu’il ait tenu alors un discours si vertueux. En politique, pour donner des leçons, il faut encore être exemplaire.


Les organisateurs ont-ils sous-estimés le coût total des infrastructures nécessaires aux jeux ?

C’est certain mais c’est aussi habituel. Les JO de Londres ont coûté le double de ce qui était prévu…Ceux de Pékin ont coûté 40 milliards d’euros si je me souviens bien.  L’inflation est la règle. Et le CIO d’ailleurs s’en est inquiété à plusieurs reprises.


Est-ce que la région de Sotchi, est une région particulièrement touchée par la corruption en Russie ? Quels sont les enjeux pour le pays d’un tel événement ?



Sotchi c’est la riviera russe, l’équivalent de notre Côte d’Azur, avec tout ce que cela comporte au petit jeu de la comparaison : Mer chaude, palmiers, bimbos, oligarques, villas somptueuses…C’est beaucoup, beaucoup d’argent avec à la clé des barons locaux, politiciens et hommes d’affaires, aux pratiques fréquemment douteuses. C’est aussi le Caucase, une région sensible d’un point de vue géopolitique. Or la paix civile ne s’acquiert pas seulement par la persuasion. Elle s’achète aussi…




Concernant les enjeux, ils sont ceux de toute autre nation organisatrice des Jeux lympiques. Pendant quelques jours tous les projecteurs du monde seront pour une fois braqués sur la Russie sous un angle favorable : les JO sont censés être grande fête du sport et de la paix, ils véhiculent des valeurs résolument positives qui impactent l’image que l’on a du pays organisateur. Pour les Russes il s’agira de montrer d’abord qu’ils savent se hisser à la hauteur de l’évènement.




Il s’agit ensuite, 34 ans après les Jeux olympiques de Moscou qui avaient été très largement boycottés suite à l’invasion de l’Afghanistan, de montrer que la Russie fait de nouveau partie des puissances respectables et qui comptent dans le concert international.




L’enjeu aussi ce sera de conjurer la menace terroriste. De Sotchi à la Tchétchénie il y a moins de 500 kilomètres…Et les Djihadistes entendent bien gâcher la fête de Poutine.

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