ANALYSES

La lutte contre la corruption, un mouvement mondial

Presse
11 septembre 2013
« A l’âge de la globalisation, l’ensemble de l’humanité est politiquement active. » Cette phrase de Brzezinski, qui date de 2008, explique les soubresauts démocratiques qui traversent le monde et qui vont bien au-delà du monde arabe. L’élévation du niveau de vie, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont brisé Ie monopole des gouvernements sur l’information. Si tous les pays ne sont pas des démocraties, il n’y a plus aujourd’hui, à part la Corée du Nord, d’État totalitaire. Tous les États connaissent une société civile qui revendique son droit à l’expression selon les modalités propres à chaque État-nation.

Les peuples ne luttent pas seulement pour leur liberté. Il y a une deuxième cause en passe de devenir une source de mobilisation à l’échelle mondiale, c’est la lutte contre la corruption. La corruption ne s’est pas développée dans la période récente. Mais la transparence plus grande fait qu’elle est plus largement connue du public aujourd’hui. Ce dernier y voit une source d’injustice insupportable, et il le fait savoir sous toutes les latitudes.

En Chine, le nouveau président Xi Jinping a compris que le niveau de corruption mettait en cause la légitimité du régime, malgré sa réussite économique. La lutte contre la corruption est l’une de ses priorités. Les citoyens n’hésitent pas à dénoncer sur Internet des affaires de corruption. Quelques têtes sont déjà tombées et un message général de comportement moins ostentatoire des dirigeants a été envoyé.

Au Brésil, les scandales liés à la corruption se sont enchaînés depuis une dizaine d’années. La lutte contre la corruption est au cœur des revendications des mouvements populaires contestataires apparus récemment. La présidente Dilma Rousseff a déclaré une guerre contre la corruption, plaidant pour une culture de la transparence, l’application de sanctions à l’égard des pratiques frauduleuses et l’émergence d’un contrôle social de la société civile. Deux pays différents mais un même mot d’ordre : halte à la corruption.

En Turquie, le mouvement actuel mêle, comme facteur mobilisateur, la défense des libertés publiques, l’amélioration des conditions de vie, la défense des droits civiques. La corruption étant une thématique supplémentaire.

En Inde, le militant « gandhien » Anna Hazare a émergé sur la scène politique en 2011 en dénonçant la corruption qui touchait aussi bien l’organisation des Jeux du Commonwealth, l’attribution de licences de téléphonie mobile, le secteur du bâtiment et de l’armement. Sa grève de la faim a créé un mouvement populaire qui a réuni des centaines de milliers d’autres protestataires.

En Bulgarie, de grandes manifestations ont été organisées en décembre 2012 pour protester contre la corruption qui gangrène le pays. Alors que les mises en garde de l’Union européenne s’étaient accumulées sur ce thème, la prise en main de cette cause par les citoyens bulgares pourrait avoir plus d’effet. En juin 2013, la lutte contre la corruption a été au cœur des manifestations anti-gouvernementales pacifiques à Sarajevo, les premières que l’on ait vues dans cette ville depuis celles qui étaient organisées pour s’opposer à la guerre en 1992.

Si les régimes tunisien et égyptien sont tombés, c’est bien sûr parce que le peuple protestait contre les privations de liberté et l’absence de perspectives politiques et sociales. Mais la dénonciation de la corruption des dirigeants et des clans familiaux étaient au cœur de la dénonciation. C’est autant le système clientéliste et corrompu que le régime liberticide qui a été le moteur des révolutions.

Au Canada, une vague d’arrestations liées à des détournements de fonds a conduit à l’arrestation du maire de Montréal. En Italie, Ie succès du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, qui n’a guère de cohérence idéologique ou politique, s’explique surtout par la dénonciation de la corruption de la classe politique par ce dernier.

En Grèce également, la dénonciation de la corruption entraine plus un vote populiste que des manifestations de masse.

Bref, un peu partout et malgré la différence des régimes politiques, les peuples et les sociétés civiles se font entendre et ils ont deux priorités : l’extension des libertés et la lutte contre la corruption.
Sur la même thématique
Une diplomatie française déboussolée ?