ANALYSES

Le FN est-il d’extrême droite?

Presse
8 octobre 2013
Jean-Marie Le Pen avait déjà tenté de se débarrasser de l’étiquette d’extrême droite. Marine Le Pen peut-elle y parvenir?



On peut et on doit dire les choses clairement: le FN sous Marine Le Pen n’est ni fasciste, ni nazi, ni axé sur la conquête du pouvoir par l’équivalent de la marche sur Rome. Mais ça ne veut pas dire qu’il soit devenu une droite semblable à l’UMP et à l’UDI. C’est hors de question. Le Front se rattache de plus en plus à la tradition plébiscitaire et celle-ci est une composante ancienne de la galaxie des extrêmes droites.


Pourquoi est-ce aussi important pour le FN de fuir cette étiquette?



Cela fait des décennies que ce qualificatif colle à la peau du Front national un peu comme le sparadrap du Capitaine Haddock. Ça a été, je crois, assez déterminant dans les années 1990, lorsqu’aucun accord n’a été possible avec aucune autre composante de la droite. Il y a un parfum de souffre, qui entoure inévitablement tout ce qui rappelle la période des années 1930, de la Seconde Guerre mondiale: c’est à ça que l’extrême droite est associée.


Et pourtant, l’extrême droite ne se résume pas au nazisme.



Il y a parfois des raccourcis historiques assez saisissants. Il y avait par exemple des hommes d’extrême droite dans la Résistance, il y en avait beaucoup. C’est une composante de la Résistance. On ne peut pas accoler à l’ensemble des gens d’extrême droite l’étiquette de traîtres à la patrie. En 1940, beaucoup de militants de l’Action française, voyant les troupes allemandes défiler sur les Champs-Elysées, ont davantage compris la chose comme une nouvelle conquête de l’ennemi héréditaire que comme un défilé de gens avec qui ils étaient en affinité idéologique. Charles Maurras, le fondateur de l’Action française, était absolument germanophobe. Et Jacques Bainville avait dit sur le nazisme, y compris sur l’antisémitisme, des choses à la fois justes et définitives.


Mais il y avait pourtant bien des collaborationnistes et des néonazis au Front national.



Mais évidemment! Il n’est pas possible, quand on est de bonne foi, de nier qu’à l’origine, ce parti a été fondé pour rassembler toutes les chapelles de l’extrême droite. Mark Fredriksen, qui est à l’époque le leader d’un petit groupuscule vraiment néonazi, qui s’appelle la Fane et qui sera interdit en 1987, est candidat du FN aux législatives de 1978. Personne n’obligeait le Front national à l’investir comme candidat. Les choses changent dès l’arrivée de Jean-Pierre Stirbois à la tête de l’appareil frontiste en 1978. Il entreprend déjà le coup de balai, en éliminant ceux qui appartiennent véritablement aux traditions fasciste et néonazie. Il sent bien que ces gens sont incompétents et fous, mais aussi que c’est une casserole dont le FN ne se remettra pas.


Le FN a-t-il véritablement évolué avec Marine Le Pen?



Il y a vraiment un changement générationnel et un changement chez les cadres. Ils sont de plus en plus des gens qui n’ont pas d’engagement groupusculaire antérieur. Mais tout ça est récent: Marine Le Pen arrive à la président du Front en janvier 2011 et elle continue à devoir exclure des militants pendant l’année 2011. Si coup de balai il y a, il est récent. Si Alexandre Gabriac fonde les Jeunesses nationalistes, si Yvan Benedetti s’investit dans l’Oeuvre française, c’est parce qu’ils sont virés du FN. Ils en ont quand même été les élus.


Ne serait-il pas plus facile d’abandonner le nom de Front national pour faire oublier ces liens avec les néonazis et les collaborationnistes?



Il y a une histoire et cette histoire, on ne peut pas la gommer. Mais une hypothèse court depuis longtemps: lorsqu’elle le pourra, Marine Le Pen changera la dénomination du mouvement. J’ai toujours dit que ça ne se ferait qu’après la disparition de son père et lorsque le processus de normalisation sera un peu plus avancé. Ça ne résoudra pas pour autant la question de fond: juger le parti sur ces idées et répondre à ses argumentaires. La question n’est pas de savoir s’il est d’extrême droite, mais de savoir si on est favorable, en tant que citoyen, à l’exclusivité des prestations sociales pour les citoyens français, à la priorité aux Français dans le logement et dans l’emploi, au rétablissement de la peine de mort et à l’établissement de la démocratie directe.

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