ANALYSES

En Israël, «Hollande a réussi à tenir le même langage aux uns et aux autres»

Presse
19 novembre 2013

Pascal Boniface, directeur de l’Iris, l’Institut de relations internationales et stratégiques, publie cette semaine avec Hubert Védrine un Atlas des crises et des conflits (Armand Colin). Il revient sur le voyage de trois jours de François Hollande en Israël et dans les territoires palestiniens qui vient de s’achever (photo Reuters).


A votre avis, quel était l’objectif diplomatique de ce voyage officiel ?



Je dirais que le premier souci de Hollande, et de la diplomatie française, c’était d’abord qu’il n’y ait aucun problème dans ce voyage à hauts risques, comme toutes les visites officielles au Moyen-Orient. Il fallait montrer une position équilibrée entre les deux protagonistes. Pour cela, le président français a dû rectifier un peu le tir. A Ramallah, lundi, il avait parlé des colonies en les condamnant, mais n’avait rien dit pendant la première partie de son voyage du côté israélien. On pouvait alors l’accuser d’avoir deux langages différents selon ses interlocuteurs. Du coup, dans son discours à la Knesset, l’après-midi, il a rattrapé la chose en revenant à une position plus conforme à la politique traditionnelle française. Si l’objectif était de tenir le même langage aux uns et aux autres, c’est réussi.


A la tribune de la Knesset, François Hollande a lancé : «La colonisation doit cesser.» Mais il n’a pas dit, comme John Kerry, qu’elle était «illégitime».

Il l’a tout de même condamnée. On ne peut pas lui reprocher cela. Sur les principes, il maintient la position d’équilibre. En ce sens Hollande est aligné avec la position de Barack Obama. Mais la colonisation va probablement se poursuivre, donc la solution à deux Etats que proposent la communauté internationale et la France a très peu de chances d’être obtenue dans les six mois de négociations qui restent.


On se trouve donc dans la continuité de la ligne classique de la diplomatie française au Moyen-Orient ?



Oui, maintenant. François Hollande, au début de son quinquennat, lors de son discours devant les ambassadeurs était plutôt en retrait sur la question de la Palestine et de la colonisation, même par rapport à Nicolas Sarkozy. Ensuite il a voulu que la France s’abstienne sur l’adhésion de la Palestine comme «Etat observateur non membre» à l’ONU. Finalement Fabius a réussi à le convaincre et a obtenu que la France vote pour la reconnaissance de cet Etat à l’ONU. Je pense que François Hollande hésitait pour des raisons de politique intérieure, il avait l’espoir de faire tomber le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France, ndlr) dans le camp de la gauche… Si Hollande est maintenant dans la continuité de la diplomatie française, il lui manque l’activisme de Mitterrand et de Chirac : eux voulaient jouer un rôle actif dans le processus de paix alors qu’aujourd’hui on pose les principes mais on ne s’inquiète pas de leur mise en pratique. Si on dit qu’on est contre la colonisation et que des colonies continuent à être construites, on devrait réagir, faire pression. Or on laisse les deux protagonistes se débrouiller entre eux. Et comme le rapport de forces est très inégal, il y a peu de chance d’arriver à un accord de paix.


L’Iran a été au centre des discours du président français. Pourquoi ?



Hollande a été très ferme sur l’Iran pendant ce voyage parce qu’à mon avis, il essayait d’obtenir quelque chose sur la Palestine. Il voulait rassurer Nétanyahou dans l’espoir qu’il fasse un geste en direction des Palestiniens. Visiblement ça n’a pas marché, il n’a rien obtenu. Mais l’autre raison pour laquelle il a montré autant de fermeté sur l’Iran, c’est qu’il espère qu’en cas d’accord sur le nucléaire Benjamin Nétanyahou se calmera un peu, ne fera que des critiques modérées pour ne pas bloquer un accord avec Téhéran. On va voir l’enchaînement des événements dans les jours prochains. S’il y a un accord sur le nucléaire ce sera un triomphe pour la diplomatie française : elle aura fait preuve de fermeté et cette position n’a pas empêché d’aboutir à un accord. Si, au contraire, il n’y a pas d’accord, la position de Paris sera plus difficile : les Français apparaîtront comme ceux qui ont fait échouer cet accord avec l’Iran que toute la communauté internationale espérait.

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