ANALYSES

Les interventions françaises

Presse
5 décembre 2013

Envoi de troupes en République centrafricaine, poursuite de l’opération militaire au Mali, volonté affichée de participer à d’éventuelles frappes sur la Syrie, position en flèche sur le nucléaire iranien…, la France semble être saisie d’une fièvre interventionniste. Celle-ci est saluée par la presse américaine, peu habituée à distribuer des bons points à notre politique étrangère. Elle fait en revanche naître des doutes parmi ses soutiens traditionnels. Certains n’hésitent pas à poser la question?: la France a-t-elle pris un tournant néoconservateur?


Tournant néoconservateur



C’est, bien sûr, l’attitude française sur les dossiers proche-orientaux qui suscitent cette interrogation. La France a failli participer à des frappes militaires sur les objectifs syriens pour punir ¬Bachar Al Assad de l’usage d’armes chimiques. Elle l’aurait fait dans une coalition étroite avec principalement les Américains et sans le feu vert du Conseil de sécurité. Quoi que l’on pense du régime de Bachar et l’horreur que suscitent les armes chimiques, heureusement que cette perspective fut écartée par un accord sur le désarmement chimique de la Syrie. Une telle action, illégale et contraire aux intérêts de la France comme membre permanent du Conseil de sécurité, aurait accrédité sérieusement l’idée d’un tournant néoconservateur. Nous y avons échappé.


L’affaire iranienne est d’une autre nature. La France a fait preuve de fermeté sans être fermée. Un accord acceptable par tous a été trouvé qui éloigne la perspective de bombardements sur l’Iran tout en donnant des garanties sur sa non-accession à l’arme nucléaire. La fermeté initiale française vient couper l’herbe sous le pied de tous ceux qui veulent faire croire que l’Iran a roulé ses partenaires dans la farine et qui regrettent l’abandon de la solution militaire au « problème » iranien, scénario catastrophe assuré. Si un échec avait été porté au débit de la France, il est juste de dire que le succès est aussi le sien.


Le vote favorable de la France, il y a un an, à l’admission de la Palestine à l’ONU comme État non membre vient également à l’encontre de la thèse d’un abandon par la France des principes gaullo-mitterrandistes.


Perspective d’un génocide



En Centrafrique, la France répond à une situation d’urgence. Sans une intervention militaire réalisée dans un cadre onusien et multilatéral, des massacres de grande ampleur, voire même des crimes contre l’humanité, auraient pu être commis. L’ONU a même évoqué la perspective d’un génocide. Paris a montré sa capacité à réagir vite et bien. La France est un peu victime de son succès au Mali, où elle avait déjà été créditée de capacité de détermination et de réaction rapide. Qui d’autre aurait pu intervenir si vite?? Pas les États-Unis, aux procédures plus lourdes et gourmandes en hommes, aucun pays européen à part la Grande-Bretagne, pas la Russie ni la Chine. Il y a, bien sûr, un problème de limites capacitaires pour ce type d’interventions. La France ne pourra pas les multiplier. Pour le moment, tout ceci est encore dans la limite de ses moyens militaires actuels et rappelle la nécessité de respecter scrupuleusement la loi de programmation militaire. Le désengagement d’Afghanistan, promesse de campagne respectée, lui donne un peu d’air en termes d’effectifs opérationnels disponibles.


Il n’est qu’à réfléchir à ce qui se serait passé si les djihadistes avaient atteint Bamako au début de l’année ou si la République centrafricaine était tombée dans le chaos le plus total pour se féliciter de ces interventions. Elles ont tout à voir avec la protection des populations civiles, elles sont aussi légales que légitimes. Seule la mauvaise foi permet de les comparer à des entreprises néocoloniales. Dans les deux cas, la France a agi par réaction aux événements. Rien n’était planifié ou prévu à l’avance. C’est l’urgence de la situation qui est venue dicter son action. La France n’est pas en quête d’interventions militaires pour satisfaire un besoin de grandeur ou un retour de la Françafrique?; elle répond en cas de nécessité urgente absolue pour combler un vide et éviter des catastrophes humanitaires.

Sur la même thématique