ANALYSES

Pillages en Argentine : un « phénomène répétitif » depuis les années 80

Presse
12 décembre 2013

En Argentine, les commémorations du 30e anniversaire de la chute de la dictature militaire (1976-1983) ont été perturbées par une vague de violences qui ébranle le pays depuis la semaine dernière.  Les pillages ont éclaté à Córdoba, la deuxième ville, dans le nord de l’Argentine, et se sont étendus depuis à dizaines d’autres provinces du pays. Les voleurs profitent de la grève de la police, qui demande une augmentation de salaire, pour piller les commerces. Le bilan s’élève à onze morts selon le quotidien La Nacion, une centaine de blessés et plusieurs dizaines d’interpellations. Eclaircissements de Jean Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Amérique centrale et latine:


A la même époque l’année dernière, des pillages et des affrontements avec les forces de l’ordre avaient éclaté à Rosario, au centre-est du pays. Le phénomène des pillages est-il fréquent en Argentine ?



C’est un phénomène répétitif qui se produit chaque fois qu’il y a des problèmes économiques conjoncturels liés à une baisse du pouvoir d’achat de la population. Depuis les années 80 et la fin de la dictature, le mécontentement des Argentins se traduit par des pillages et des mises à sac. Le paroxysme de ce genre de mouvement a été constaté en 2001, lorsqu’il y a eu la grande crise. Cette fois, c’est la grève de la police qui a facilité ce genre de comportements.


Quelles sont les revendications des policiers en grève ?



La police réclame des augmentations de salaire. L’Argentine est un Etat fédéral et dans certains Etats, des gouverneurs ont déjà accepté de doubler le salaire des fonctionnaires de police.


 


Cristina Kirchner a condamné la grève des policiers et les pillages dénonçant une « manœuvre politique ». Ce climat de tensions peut-il déboucher sur une explosion sociale ?



C’est en général la réponse qu’apportent les gouvernements lors de ce genre de situations. C’est le croisement d’une grève des fonctionnaires de police avec une conjoncture économique compliquée. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un complot de la part de l’opposition, même si aux dernières élections, la majorité gouvernementale a été bousculée par le parti de l’opposition. 


Les images de chaos diffusées sur Internet rappellent celles de la crise de 2001. Ces violences traduisent-elles un malaise social plus profond ?



Nous ne sommes pas aujourd’hui dans la situation de paroxysme dans laquelle se trouvait l’Argentine en 2001. Mais il est vrai que le pays n’arrive pas à trouver un équilibre, une croissance soutenue, une répartition des fruits de la croissance. La partie de la population marginalisée veut être intégrée pleinement dans la vie du pays.


C’est un malaise social, il n’y a pas de revendications politiques. C’est une forme de récupération, brutale, élémentaire qui n’obéit à aucun mouvement politique, en dépit ce qu’affirme le gouvernement sur le caractère organisé des mouvements. Tout le pays est affecté par l’inflation et par les inégalités. A partir du moment où il n’y a plus de forces de police dans les rues, les gens qui se trouvent dans le besoin vont se servir.


Comment la situation pourrait-elle évoluer selon vous ?



Dans certains Etats d’Argentine, les commerçants ont anticipé, en montant des sortes de milices pour protéger leurs magasins : ils payent des gardes du corps pour défendre leurs commerces. La situation évoluera avec le retour de la police. Certains gouverneurs ont déjà lâché du lest en augmentant les salaires des policiers afin qu’ils se remettent au travail.

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