ANALYSES

«Des manifestations liées à la difficulté à faire vivre un débat démocratique dans un contexte de crise économique permanent»

Presse
13 février 2014
Jacques Kourliandsky, spécialiste de l’Amérique latine, explique pourquoi les Vénézuéliens manifestent…



Le Venezuela a été secoué mercredi par des manifestations à Caracas, la capitale, et dans d’autres villes. Ces marches d’opposition au gouvernement de Nicolas Maduro, qui comprenaient des milliers d’étudiants et de militants de l’opposition, ont été qualifiées de «tentatives de coup d’Etat» par le pouvoir. Une vague de protestation qui revient cycliquement, comme l’explique à 20 Minutes Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Iris) spécialiste de l’Amérique latine.


Pourquoi les Vénézuéliens manifestent-ils?



La dynamique des violences politiques est ancienne et cyclique au Venezuela. Elle existait bien avant l’accession au pouvoir de Nicolas Mauro, ou même avant Hugo Chavez. Il y a déjà eu d’importantes manifestations de ce type l’an dernier, il y a deux ans, quatre ans, cinq ans, dix ans… Elles sont liées à la difficulté à faire vivre un débat démocratique dans un contexte de crise économique permanent. Aujourd’hui, l’inflation est en hausse de près de 60%, le pays connait des pénuries de produits de grande consommation (lait, sucre, farine, viande…), et il connaît un taux de délinquance record.


Pourtant, c’est un pays pétrolier, donc assez riche?



C’est le paradoxe que connaissent d’autres pays ayant une manne pétrolière. Le Venezuela connaît une destruction du tissu économique du fait des facilités qu’apporte cette manne. L’économie du pays n’a jamais vraiment fonctionné, avec une monnaie surévaluée, des acteurs de l’import-export qui font de la rétention de produits au maximum, voire les vendent en contrebande à l’étranger, pour faire monter les prix et maximiser leurs profits.


Des problèmes économiques auxquels s’ajoute une crise politique…



Oui, il y a toujours un déficit en matière d’opposition politique. Cette dernière, qui devrait pouvoir bénéficier du mécontentement de la population, échoue à le faire, et est mise en minorité à chaque élection. Elle est de plus en plus sous pression par les plus radicaux en son sein, qui veulent prendre la rue. Sans compter que le pays a toujours eu du mal à ouvrir le débat entre opposition et majorité, donc les choses se crispent rapidement.


Que peut faire le gouvernement?



Le gouvernement tente de réagir par des mesures volontaristes, et devrait à nouveau lâcher du lest. Sortir le carnet de chèque pour financer des programmes de soutien à la consommation populaire par exemple, comme l’ont déjà fait les gouvernements précédents. Mais cela ne devrait pas calmer les choses sur le long terme, et on ne voit pas très bien comment la situation pourrait s’améliorer. D’autant plus que la majorité est elle aussi soumise à une aile radicalisée dans son camp.


La prochaine commémoration des un an de la mort d’Hugo Chavez peut-elle aggraver la situation?



La figure d’Hugo Chavez a été sacralisée par les autorités dès l’annonce de sa mort. Il est désormais une figure aussi importante que Bolivar. Il est donc probable que de grandes manifestations auront lieu pour commémorer sa mort le 5 mars prochain. Cependant, il n’y aura pas d’exacerbation particulière des tensions actuelles de ce fait, puisqu’il est déjà instrumentalisé par ses successeurs.

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