ANALYSES

« Dans les mines, les Français devront peut-être s’allier avec les Canadiens»

Presse
23 février 2014
Interview de Pouria Amirshahi, président de l’IRIS, par Pascal Airault

La nouvelle Compagnie nationale des mines de France pourrait aussi coopérer avec certains pays africains qui ne souhaitent plus être livrés à la voracité des majors.


Pouria Amirshahi, président de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), est député PS de la 9e circonscription des Français de l’étranger.


 La création de Compagnie minière nationale n’est-elle pas une fausse bonne idée ?



Le volontarisme de la puissance publique est nécessaire. Qui plus est pour redonner à l’Etat sa légitimité à piloter les grandes stratégies industrielles du pays. Cela permettra aux autorités de définir les ambitions technologiques et de mieux contrôler les métiers de l’extraction minière soumis à impératifs. Extraire quelles matières des mines ? Pour quels besoins ? Les métaux stratégiques et le charbon n’ont pas la même vocation. Personnellement, je salue l’initiative d’Arnaud Montebourg contre le déclin de la France dans ces filières stratégiques. Ces dernières années, notre pays a pris du retard par rapport aux opérateurs des pays émergents, notamment en Afrique. Il faudra le rattraper en étant respectueux des enjeux de développement, des pays partenaires et de leurs ressources.


Le Bureau de recherches géologiques et minières (BGRM), autrefois  un acteur majeur, se contente aujourd’hui de vendre ses cartes minières, particulièrement aux entreprises chinoises. Peut-on rattraper le retard alors que nos sociétés ont perdu une grande partie de leur expertise ?



Ces dernières années, nous avons été plusieurs à proposer et faire adopter l’idée que notre pays devait renouer avec les champions nationaux, et pas seulement dans le domaine minier. Oui, le BRGM vend ses cartes y compris aux Etats eux mêmes, qui n’ont pas toujours les capacités d’observation satellitaire, de recherche scientifique, de prospection géologique ou d’ingénierie en géothermie.


En se désintéressant des mines parallèlement à notre désindustrialisation, la France n’a-t-elle pas laissé la porte grande ouverte aux entreprises sud africaines, canadiennes, australiennes ou asiatiques ?



C’est exact mais pas irrémédiable. Nous devrons peut-être nous allier avec les Canadiens pour reconquérir le territoire perdu. Je crois qu’ils sont prêts à coopérer avec nous pour mettre en œuvre une stratégie de développement des filières minières adossée à la formation professionnelle… en français. La francophonie économique est stratégique car elle recouvre aussi d’un enjeu de normes, de métiers, de brevets de recherche… Et pour assurer la pérennité de notre présence, il faudra – outre l’État- des alliés et de très gros investissements – le faire en français. Nous devrons aussi tenir compte de la refonte, dans presque tous les Etats, des codes miniers (Guinée Conakry, Burkina, Côte d’Ivoire…). Ces pays ne souhaitent plus être livrés à la voracité des grandes majors. Ils souhaitent augmenter la part des revenus sur la production et la commercialisation ainsi qu’accroître leur expertise minière.


 

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