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Manifestations anti-mondial 2014: «Ce sont un peu les mêmes groupes que ceux de Nantes»

Presse
25 février 2014

Une manifestation qui dégénère le week-end dernier à Sao Paulo. Un supporter assassiné dimanche soir dans la même ville. A quatre mois du coup d’envoi de la Coupe du monde, la tension règne toujours au Brésil. Décryptage avec Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Amérique du sud.


Où en est la contestation au Brésil?



Elle a presque dix mois maintenant. Le Brésil est entré dans une phase de décélération économique, et les Brésiliens ont constaté que le coût de la vie augmentait, en particulier dans les transports. Les gens ne comprennent pas qu’on se déplace si mal, en payant si cher, avec tant d’argent dépensé pour des installations qui ne vont pratiquement pas servir. Après les transports, ça a été l’éducation, la santé… Ce qui peut paraître le plus étrange, c’est qu’il n’y a pas vraiment de revendication politique, c’est du social.


Qui sont les gens qui manifestent?



Ce sont un peu les mêmes groupes que ceux qu’on a vus à Nantes ce week-end, ce sont les black blocks, des groupes anarchistes. Ils ont tous la même tenue, masqués et en noir. Ils essaient de surfer sur le mouvement pour vendre leur idéologie. quelques fois ils font des manifestations qui se limitent à de la casse, ils font des descentes dans des quartiers de Rio ou Sao Paulo.


Ce n’est plus un mouvement populaire?



En mai et juin, ils étaient tous contre le foot, mais chacun venait avec sa revendication. Pour les uns c’était la santé, pour les autres les transports. Ça a été assez spontané, c’est parti d’une hausse du prix des transports. Mais il n’y a pas eu de canalisation politique ou syndicale. Et lorsqu’il y a eu des tentatives, les manifestants ont rejeté ceux qui essayaient d’instrumentaliser les manifestations.


Est-ce qu’il y a un risque d’embrasement pendant la compétition?



Difficile de répondre. L’agitation n’a aucune raison de s’arrêter. Au contraire, elle peut même être exacerbée par les matchs, comme lors de la Coupe des confédérations. Et le gouvernement brésilien est en train de travailler sur cette hypothèse: il aurait mobilisé environ 30.000 militaires et policiers pour assurer la protection de la Coupe du monde.


Pourquoi Sao paulo semble être l’épicentre du mouvement?



Rio est également touché, mais Sao Paulo, c’est la plus grande concentration urbaine du Brésil et avec 17 à 18 millions d’habitants. C’est une ville paralysée du matin au soir, il n’y a que cinq lignes de métro. C’est une des villes qui souffre le plus de son immensité alors que les services publics ne sont pas à la hauteur. C’est la ville du monde dans laquelle les cadres utilisent le plus l’hélicoptère pour aller au travail, sinon ils perdraient quatre heures par jour dans les embouteillages. Et c’est le poumon économique, là où sont concentrées la plupart des grandes industries. Rien d’étonnant à ce que ça soit là que le mouvement a démarré.


Où en est la situation en termes de sécurité?



C’est un problème indépendant des manifestations sociales. Il y a un taux de délinquance élevée, même si au Venezuela c’est le double. Le gouvernement a lancé une pacification en créant les UPP, un nouveau corps de police, il y a trois ans. Un succès au début, mais aujourd’hui ça patine. D’autant plus que la pacification se limite aux favelas proches des plages, c’est-à-dire des quartiers riches, ou autour du stade. Et ces nouveaux corps de police crées pour éviter d’être perméables à la corruption, et bien il semblerait qu’ils commencent à être atteints par les mêmes problèmes.

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