ANALYSES

Chine-Inde: une rivalité loin d’être apaisée

Presse
10 juin 2014
Historiquement, quelles relations entretiennent la Chine et l’Inde ?



Ces deux pays sont souvent présentés comme des ennemis. Je crois qu’ils sont davantage dos à dos que face-à-face. La Chine et l’Inde ont peu de choses en commun à part 3 380 km de frontière. Bien sûr, il existe des sujets de fâcheries. En octobre 1962, une guerre sino-indienne éclata pour le contrôle de territoires himalayens par exemple (ce conflit, qui dura un mois, se solda par l’humiliante défaite de l’Inde).


Les deux Etats ont aussi agi ensemble, notamment au moment de la conférence de Bandung (consacrant, en avril 1955, l’émergence du Tiers monde et des pays non-alignés).


Où en est-on aujourd’hui ?



D’un côté, Pékin et New Delhi parlent d’un «partenariat stratégique». Cela veut simplement dire qu’ils arrêtent de mettre en avant leurs différends… Car, d’un autre côté, des conflits frontaliers perdurent : l’Inde réclame l’Aksai Chin (au nord-ouest du plateau tibétain), tandis que la Chine revendique l’Arunachal Pradesh (à l’extrême nord-est de l’Inde).


Il y a quelques mois, des soldats de l’Armée populaire de libération (APL) ont d’ailleurs pénétré dans le territoire indien. A l’issue de chaque rencontre bilatérale, la Chine affirme que ces questions litigieuses sont définitivement réglées… jusqu’à la prochaine réunion.


Quelle est la stratégie commerciale de ces deux pays ?



L’idée est évidemment d’augmenter les flux commerciaux entre Pékin et New Delhi, qui sont complémentaires. L’Inde a par exemple plus d’employés de haut niveau que la Chine et, surtout, ses coûts de main-d’œuvre augmentent moins vite. La Chine craint, à raison, la concurrence d’un voisin qui exporterait à moindre coût. A terme, le différentiel de prix jouerait en défaveur de «l’usine de monde».


De son côté, l’Inde reste très méfiante – le parti nationaliste hindou a d’ailleurs remporté les dernières élections. New Delhi propose régulièrement aux pays de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) d’être le bras armé nucléaire de la région.


La Chine pourrait-elle davantage montrer les muscles ? 



Sur le plan économique, Pékin marche sur un fil. Le pays arrive au bout de son modèle, beaucoup trop basé sur les exportations, et ne parvient pas à développer suffisamment son marché intérieur.


Le gouvernement pourrait être tenté par une aventure nationaliste en mer de Chine orientale (contre le Japon au sujet des îles Senkaku) et en mer de Chine du Sud (contre les Philippines et le Vietnam). Cette stratégie rappellerait celle de l’Argentine autour des îles Malouines pour ressouder son peuple. La Chine a tout intérêt à assurer ses arrières.


Les rêves de puissance des deux pays sont-ils compatibles ?



Je pense, oui. Toutefois, on assiste à des manœuvres d’encerclement et de contre-encerclement qui, à long terme, pourraient déboucher sur un conflit. La Chine s’est assurée des alliés autour de l’Inde (Pakistan, Sri Lanka, Bangladesh). De son côté, l’Inde est en train d’améliorer ses rapports avec la Russie, la Mongolie, le Japon et les Etats-Unis.

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