ANALYSES

Quelle réalité pour le partenariat stratégique franco-chinois ?

Interview
28 mars 2014
Le point de vue de Philippe Le Corre
Au-delà de l’entrée de Dongfeng dans le capital de PSA et l’achat d’hélicoptères Airbus, quels ont été les enjeux économiques de cette visite de Xi Jinping en France ?

Il y a les montants qui impressionnent (18 milliards d’euros, 50 contrats), les secteurs qui se multiplient (aéronautique, automobile, énergie, finance, environnement, santé, agro-alimentaire), mais il y a surtout un ‘esprit cinquantenaire’ que l’on retiendra de cette visite d’Etat. Sur 250 entreprises qui étaient dans la délégation chinoise, la plupart ne connaissaient pas notre pays et n’envisageaient pas a priori d’investir en France. La symbolique historique, le faste, le poids politique de ce déplacement ont sans doute donné une image différente de la France aux Chinois qui ont découvert tout cela sur leurs écrans de télévision et leurs smart phones. C’est une chose positive car nous n’étions jusqu’ici pas aussi ‘visibles’ que d’autres pays, notamment sur le plan économique.

Sur quels grands dossiers internationaux (changement climatique, gouvernance économique, gestion de crises internationales, etc.), les Français et les Chinois ont-ils des positions convergentes ? Quelles sont les divergences qui demeurent ?

Sur le changement climatique, Paris a eu à cœur d’obtenir le soutien de Pékin pour la grande conférence qui se tiendra en 2015 dans la capitale française. La délégation chinoise a promis de tout faire pour que cet événement soit un succès, cependant que la France milite pour que la Chine accueille prochainement un sommet du G20. Vis-à-vis de la Corée du Nord, les autorités chinoises jouent un rôle d’apaisement ; sur l’Iran, la Chine fait preuve d’une certaine neutralité.
Concernant les dossiers sensibles, le cas de la Crimée est intéressant : d’un côté Pékin soutient Vladimir Poutine, de l’autre il ne peut accepter ‘l’annexion’ de la Crimée car c’est contre sa conception de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Par ailleurs, une grande divergence de vues demeure sur la Syrie puisque la Chine – comme la France membre permanent du conseil de sécurité – s’oppose à une intervention des Nations Unies.

La France parle d’une nouvelle étape du partenariat global stratégique franco-chinois. Est-ce selon vous une réalité ? Au-delà des apparences de ce voyage, que représente ce partenariat pour la Chine dans sa stratégie globale ?

La France a pris soin de qualifier ce voyage comme une ‘nouvelle étape’ du partenariat stratégique franco-chinois, ce qui signifie que l’on continue sur notre lancée, avec une montée en gamme. En clair, il faut espérer que la Chine tiendra compte de la volonté française de développer des échanges tous azimuts, ce qui est positif, mais surtout que la principale pierre d’achoppement réside dans le secteur économique : le décalage y est très important, et comme l’a dit Elisabeth Guigou, « en matière commerciale, la réciprocité est un enjeu majeur ». Développer des relations culturelles, stratégiques, sociétales, c’est bien, aider l’économie française, c’est encore mieux. Pour cela, il faut se réjouir que les médias chinois aient réservé une grande couverture à la visite de Xi Jinping, car notre image reste trop celle d’un pays maître de l’art de vivre mais pas suffisamment celle d’un pays industriel. « Quand vous buvez de l’eau, n’oubliez jamais ceux qui ont creusé le puits », a dit Xi Jinping lors de sa déclaration finale…
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