ANALYSES

L’unification monétaire à Cuba : une décision historique ?

Interview
23 octobre 2013
L’unification monétaire, changement économique majeur, aura-t-il des conséquences directes sur le quotidien des Cubains et sur le pays en général, notamment au regard du blocus du pays qui dure depuis 53 ans ?

Il faut séparer les deux problèmes. Qu’il y ait réforme monétaire ou non, le blocus a des conséquences économiques et avant tout financières, Cuba n’ayant pas accès au crédit international à long terme, depuis plus de 50 ans. Le blocus va donc continuer, quelle que soit l’issue de cette réforme, à peser sur le quotidien des Cubains et sur les décisions que le gouvernement cubain sera amené à prendre.
En ce qui concerne la réforme monétaire, elle était annoncée depuis le sixième Congrès du Parti Communiste cubain en 2011 et elle fait partie intégrante d’un ensemble de réformes qui vise, sans vraiment le dire, à mettre l’économie cubaine face au réel. L’économie cubaine, comme celle de nombreux pays communistes, ne fonctionnait pas bien. Certains pays d’entre eux sont d’ailleurs devenus des pays à économie libérale et d’autres, comme la Chine et le Vietnam, essaient de combiner l’objectif du socialisme au niveau idéologique et politique avec l’efficacité économique. Cela suppose de reconstituer, sans l’avouer réellement, un marché et nécessite de ce fait d’avoir une monnaie qui soit une valeur d’échange.
Le gouvernement cubain se devait donc de supprimer le double système monétaire qui était celui de l’île depuis 1993.

L’accroissement de l’initiative dans le secteur privé et les inégalités qu’il engendre provoque-t-il un sentiment de nostalgie du modèle de l’Etat-providence tel qu’il existait il y a quelques années ?

Le problème ne se pose pas exactement en ces termes. Soit le système est en faillite avec effectivement une égalité de tous les Cubains mais une égalité qui repose sur un dénominateur commun extrêmement bas, provoquant, comme par le passé des phénomènes de fuite vers les pays voisins. Soit le gouvernement cubain accepte de recourir à des méthodes relevant de l’économie de marché, lesquelles supposent qu’il y ait des formes d’inégalités. C’est ce qu’a affirmé très clairement le Parti Communiste cubain dans les résolutions adoptées en 2011 lors de son sixième Congrès. Il s’agit donc d’assurer les mêmes options à tous les Cubains dans un système d’équité. Mais équité ne veut pas dire égalité.

Cette décision pourrait-elle avoir un impact sur les relations entre Cuba et les Etats de la région ?

Depuis une vingtaine d’années, Cuba s’est progressivement réinséré dans son environnement géographique. D’abord, tous les pays d’Amérique latine ont rétabli des relations qui avaient été rompues, pour certains, dans les années 60. Puis, Cuba a été intégré dans de nouvelles organisations régionales, constituées ultérieurement. A ce titre, il préside actuellement la Conférence des Pays d’Amériques latine et de la Caraïbe. Qui plus est, des échanges commerciaux, des investissements de plus en plus importants de la part des voisins de Cuba accompagnent cette réinsertion diplomatique. Par exemple, des entreprises brésiliennes aident les Cubains à construire un énorme port apte à accueillir des porte-conteneurs.
Ces mesures qui libéralisent l’économie ne peuvent donc que renforcer les contacts de Cuba avec ses voisins latino-américains, qui tous fonctionnent sur les bases de l’économie de marché, et même au-delà, avec les pays européens et le Canada. Le problème des Etats-Unis est différent puisqu’il ne suffit pas là de mettre en place des mesures économiques pour rétablir les relations. Cela relève d’une décision politique qui est du ressort de Washington.