ANALYSES

La coupe du monde 2022 au Qatar est-elle menacée ?

Interview
3 octobre 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Sepp Blatter a parlé de pressions politiques qui auraient permis au Qatar d’obtenir la Coupe du monde 2022. Qu’en est-il ?
Il en serait presque touchant de voir que Sepp Blatter découvre qu’il y a des liens entre le sport et la politique. Bien évidemment les autorités du Qatar ont tout mis en œuvre pour obtenir l’organisation de la Coupe du monde comme tous les pays le font. Gerhard Schröder a pesé pour que l’Allemagne obtienne la Coupe du monde 2006 (pourtant promise à l’Afrique), sans Nelson Mandela, l’Afrique du Sud n’aurait jamais pu obtenir l’organisation de la Coupe du monde 2010 et Lula s’est fortement investi pour que le Brésil gagne l’édition de 2014. Poutine a été à la manœuvre pour que la Russie soit l’hôte de la Coupe du monde 2018 et l’intervention de Nicolas Sarkozy a été déterminante pour que la France remporte l’organisation du championnat d’Europe des nations de 2016.

On parle d’un déjeuner qui aurait réuni à l’Élysée l’Émir du Qatar, Nicolas Sarkozy et Michel Platini. Platini tout comme Sepp Blatter voient des dizaines de chefs d’État et imaginer un instant que son vote est été orienté en fonction d’instructions que lui aurait donné le Président français est tout simplement ridicule.
Quelles sont les critiques principales qui pèsent sur l’édition 2022 ?
La première est le climat. Il fait en effectivement extrêmement chaud dans le Golfe l’été, période traditionnelle de la Coupe du monde mais c’était connu lorsque la décision d’attribution a été prise ! Le Qatar avait envisagé de faire des stades climatisés, on parle maintenant de déplacer la Coupe du monde en hiver. Les Anglais qui sont attachés à la tradition des matchs entre Noël et le jour de l’an sont contre, mais d’autres ligues européennes y sont favorables non pas d’ailleurs pour la seule édition de la Coupe du monde 2022, mais de façon plus générale. Le championnat pourrait commencer en février et s’arrêter en novembre connaître une trêve au mois les plus froids quand il est le moins agréable d’aller au stade et ne plus faire interruptions en juillet août.
Autre problème. La situation des travailleurs immigrés au Qatar. Ce n’est pas un problème nouveau, j’avais déjà soulevé ce point dans le premier article j’avais consacré à ce pays en 2004. Il est certain que les conditions des travailleurs immigrés au Qatar doivent être largement améliorées comme d’ailleurs dans tous les pays du Golfe (et pourrait-on dire dans l’ensemble du monde ?) L’organisation de la coupe du monde doit être un levier pour obtenir des progrès supplémentaires de la part du Qatar sur ce point.
La FIFA pourra-t-elle retirer la Coupe du monde Qatar et l’attribuer un autre pays ?
On peut faire le pari que d’ici 2022 le Qatar sera sous le feu des projecteurs et donc des critiques. La plus grande visibilité est à la fois un atout et une fragilité. Les critiques seront de deux sortes. Certaines seront émises dans l’espoir sincère d’améliorer les choses notamment pour les travailleurs immigrés, d’autres émises par ceux qui n’ont jamais digéré le fait qu’un pays musulman puisse obtenir l’organisation de la Coupe du monde.
Le choix du Qatar répondait à un besoin d’accentuer l’universalisme du football après l’Asie en 2002, l’Afrique en 2010 : faire une nouvelle « première », la première Coupe du monde dans un pays musulman. Il y avait donc bel et bien un signal géopolitique. Juridiquement la FIFA se mettrait en danger si elle changeait sa position. Mais surtout on peut réfléchir au signal qui serait donné si la première Coupe du monde accordée à un pays musulman lui était retiré pour la donner à un pays occidental. Ce serait un cadeau à tous les partisans du choc des civilisations.
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