ANALYSES

Elections législatives en Allemagne : quels enjeux ?

Interview
19 septembre 2013
Le point de vue de Fabio Liberti, directeur de recherche à l’IRIS
L’issue finale du scrutin reste incertaine. Pourtant, l’enjeu majeur ne réside-t-il dans la question de savoir avec qui Angela Merkel aura à gouverner ?

Faire des pronostics en la matière serait pernicieux. Si on s’intéresse à l’histoire des élections en Allemagne et en Europe, souvent les grands favoris n’ont pas remporté le scrutin. Schroeder était donné pour mort mais a finalement réussi l’exploit de rattraper un résultat désespéré grâce à une campagne formidable en 2002. De même, en Espagne, Zapatero a triomphé dans les derniers instants face à Rajoy en 2004, alors qu’en Italie, la gauche était donné gagnante mais Berlusconi a réussi à inverser la tendance en 2013. Il est donc toujours difficile de prévoir l’issue d’un tel scrutin. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’Angela Merkel est très populaire mais que son partenaire de coalition, la FDP semble être très mal en point. Il y a donc la possibilité que la coalition qui gouverne le pays actuellement ne puisse être reconduite. Certains sondages disent même que si l’on additionne les résultats des socio-démocrates de la SPD, des post-communistes de la Die Linke, et des verts, il pourrait y avoir une majorité de gauche. Mais c’est faire trop rapidement fi du fait qu’entre Die Linke et le SPD, il y a un fossé idéologique. Une telle coalition est donc par conséquent difficilement envisageable si l’on en croit les déclarations des leaders de ces partis.

Une coalition SPD-CDU serait-elle alors envisageable malgré les positions antagonistes défendues par les deux partis ?

Il serait effectivement tout à fait possible de voir la formation entre le SPD et le CDU dirigé par Angel Merkel. Ce résultat semble, toute mesure gardée, être le plus probable. Toutefois, la campagne reflète des divisions majeures entre le SPD et le CDU, surtout sur les thématiques européennes qui nous intéressent le plus. En effet, en adoptant une simplification un peu brutale, d’une part, le SPD fait campagne sur la nécessité d’élaborer un Plan Marshall pour l’Europe du Sud, sur la création d’euro-bonds, etc. A contrario, Angela Merkel insiste sur la défense des intérêts du contribuable allemand et sur la nécessité de préserver la stabilité de l’euro. Les pays du Sud doivent se réformer et il faut les aider par une politique de petits pas.
Ce sont donc deux approches antagonistes et, par conséquent, l’issue de la campagne impactera sur la politique de l’Allemagne menée au sein de l’UE, même si une grande coalition ne changerait pas fondamentalement la politique allemande.

Un changement de coalition bouleverserait-il la politique de l’Allemagne, notamment vis-à-vis de l’Union européenne ?

Ces élections sont cruciales non seulement pour l’Allemagne mais aussi et surtout pour l’Union européenne. En effet, depuis les dernières élections, il y a quatre ans, le poids spécifique de l’Allemagne au sein de l’UE n’a fait que grandir. Avec la crise financière et économique, une cassure du couple franco-allemand qui régissait alors les affaires européennes s’est produite, et ce, du fait du décalage manifeste entre la puissance allemande et les difficultés économiques françaises. Ainsi, les décisions sont de plus en plus prises à Berlin et ces élections législatives doivent donc être regardées avec attention par les Européens dans la mesure où leur issue aura un impact direct sur la trajectoire de l’UE.
Si, Angel Merkel demeure chancelière, et cela paraît probable, il y aura une fenêtre d’opportunité pour la consolidation de l’Union européenne. Depuis la crise, de nombreux changements sont intervenus dans l’UE. A cet égard, l’Allemagne a été obligée d’accepter certaines concessions comme le rôle grandissant de la banque centrale européenne, laquelle préfigure un début de mutualisation de la dette, une européanisation de la gouvernance économique, ce qui, pour un politicien allemand, n’est pas facile à faire accepter par l’opinion publique. Si Angela Merkel est confirmée dans ses fonctions, elle aura ainsi quatre ans de mandat devant elle, au même titre que François Hollande. C’est donc une véritable fenêtre d’opportunité qui s’ouvre là pour construire et finaliser la réponse européenne à la crise, en espérant en outre, une relance de la coopération franco-allemande.
Concernant un autre dossier qui est celui de la place de l’Allemagne dans le monde, aucun changement majeur ne se présage à l’horizon. L’affaire syrienne a montré une fois de plus la difficulté qu’à l’Allemagne à « muscler » sa diplomatie et à avoir une vision décomplexée de son rôle dans le monde. Les différences entre l’approche allemande et celle franco-britannique en matière de relations internationales demeurent, du fait notamment des tendances lourdes dans la société allemande qui sont liées à l’histoire même du pays. La campagne électorale ne s’est d’ailleurs pas axée sur les relations internationales et, à ce niveau-là, rien ne devrait donc changer.