ANALYSES

Que va chercher Hollande en Chine ?

Interview
24 avril 2013
Il s’agit de la première visite d’un chef d’Etat d’une puissance occidentale depuis l’intronisation de Xi Jinping en tant que président et depuis l’installation du nouveau bureau politique du parti communiste chinois. Faut-il y voir un signe positif de la part des nouveaux chinois à l’égard de la France ?

Pour le moment il est difficile d’y voir un signe positif ou négatif, mais c’est un signe intéressant. La Chine se pose des questions par rapport à sa place dans le monde, elle se sait un peu à l’écart et ne se sent pas encore de recevoir les deux chefs d’Etats « forts » que sont Obama et Merkel, donc elle commence par un pays un peu intermédiaire : la France. La Chine avait demandé une visite d’Etat importante ; au final elle aura une visite peut-être un peu plus courte que ce qu’elle aurait souhaité, mais cela reste celle d’un pays qui compte. On verra par la suite ce qu’elle en fait.
Les relations franco-chinoises étaient un peu au point mort depuis quelques années, elles sont peut-être en train de prendre un nouveau départ, c’est du moins ce qu’espèrent les dirigeants français. Ils espèrent bâtir une relation nouvelle. Mme Aubry a été désignée comme émissaire spéciale pour remplacer Mr Raffarin. Il y aura d’autres désignations pour essayer de développer un dialogue économique et un dialogue stratégique. Il faudra voir s’il y a un suivi de ces dialogues, s’ils sont fructueux ou si, à l’instar des tentatives précédentes, ils ne font que s’enliser.

D’un point de vue économique, à quelles avancées doit-on s’attendre grâce à ce voyage du président Hollande ? Peut-on entrevoir des relations commerciales plus poussées dans le domaine nucléaire où certaines craintes françaises semblent ralentir le processus?

Il y aura, comme d’habitude, des effets d’annonce. Le problème avec la Chine est qu’à chaque visite importante, soit d’un Chinois en France, soit d’un Français en Chine, on annonce un certain nombre d’Airbus vendus, par exemple. Régulièrement pourtant on s’aperçoit que quand les Allemands, ou les Britanniques vont en Chine, les mêmes Airbus sont vendus une 2ème et une 3ème fois. Or on ne peut pas additionner ces différentes ventes d’Airbus.
Il faut espérer que les relations commerciales entre la France et la Chine deviennent un peu plus poussées, car pour le moment elles ne sont pas très bonnes. Dans le domaine nucléaire, on a effectivement des problèmes. Il faut voir que la coopération avec la Chine dans de tels domaines se fait avec de très grandes entreprises. Avec elles on coopère plutôt qu’on ne vend, et ça peut ne pas être intéressant du tout sur le plan économique : on peut avoir un gros chiffre d’affaire et perdre de l’argent. C’est un peu souvent ce qui arrive avec la Chine qui négocie parfaitement bien, obtient des rabais et des contrats intéressants pour elle mais qui le sont peut-être un peu moins pour le vendeur.

Des discussions concernant des sujets ayant un enjeu international, tels que le dossier nord-coréen, la Syrie, sont-elles à l’ordre du jour ? Faut-il s’attendre à des avancées sur ces dossiers ?

Le dossier nord-coréen est actuellement un problème grave pour la Chine, qui a découvert que les Etats-Unis ne jouaient pas le jeu habituel. Ces derniers ont pensé qu’ils arriveraient à gérer intégralement la crise nord-coréenne et à faire plier la Corée du Nord, ce qui est en train de se passer. D’habitude ce sont les Etats-Unis qui proposent les négociations, là ce sont les Nord-Coréens qui les proposent, et pendant ce temps-là les Américains se renforcent de manière extrêmement importante sur le plan stratégique par rapport au Japon, à la Corée du Sud et à Taïwan. Tout ça ne peut pas plaire à la Chine qui se retrouve contrainte de continuer à servir d’hébergeur, sans plus, pour des pourparlers éventuels, et à fournir à ses frais de la nourriture et de l’énergie à la Corée du Nord en échange d’une protection contre l’afflux de réfugiés.
Par rapport à la Syrie, la Chine a très mal vécu ce qu’on lui a fait sur la Lybie. Elle a l’impression de s’être fait escroquer, à cause du dépassement des limites de la résolution. La diplomatie française a des discours qui tendent vers la même solution en Syrie. La Chine ne peut pas accepter cela car elle est contre tout ce qui ressemble à une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. La Chine craint qu’au nom de ce « droit » d’ingérence, on vienne aussi mettre son nez dans ses affaires à elle, ce qu’elle n’accepte pas.