ANALYSES

Election de Nicolas Maduro : quelle analyse et quel futur pour le Venezuela ?

Interview
16 avril 2013
Le point de vue de Jean-Jacques Kourliandsky
Les résultats des élections vénézuéliennes ont été plus serrés que ceux prédits par la plupart des analystes. Comment expliquer cette réalité ? Est-ce dû à un meilleur résultat qu’escompté de Henrique Capriles ou à une moindre performance qu’espérée de Nicolas Maduro ?

La surprise principale du résultat, c’est non pas le nom du vainqueur, mais bien le fait qu’il ait gagné avec une marge d’avance de moins de deux points. On est en droit de se demander ce qu’il s’est passé par rapport aux dernières élections d’octobre 2012. A l’époque, Hugo Chavez, le père spirituel de Nicolas Maduro, avait gagné avec 55% des suffrages. Il y a donc eu une déperdition de quatre points, ce qui n’est relativement pas beaucoup, mais qui est quand même très significatif.
La campagne électorale faite par le candidat représentant le parti au pouvoir n’a manifestement pas convaincu la totalité de ceux qui avaient voté pour Hugo Chavez l’an dernier. Celle-ci se déroulait, en effet, dans un contexte un peu surréaliste, avec des invectives sur la personnalité de chacun, sur leur caractère plus ou moins patriotique et sur le fait que tous les deux se soient revendiqués comme les héritiers légitimes de Bolivar. A cet élément-là, il faut rajouter celui dans lequel s’est enfermé le candidat de la majorité, en disant qu’il était simplement dans la continuité de ce qui avait été fait jusque-là.
A l’inverse, Henrique Capriles a confirmé une inflexion sociale tout à fait nouvelle, qui lui a certainement permis d’obtenir un tel résultat. Que ce soit lors de la campagne d’octobre 2012 ou d’avril 2013, il a précisé que s’il était élu, les programmes sociaux ne seraient pas touchés. Cela renvoie directement au quotidien des Vénézuéliens, qui est assez compliqué vu l’état de l’économie du pays, à savoir, totalement tournée vers le pétrole, noyée sous les pétrodollars, avec une inflation galopante qui pèse sur tous les ménages, mais en particulier sur les plus modestes.
Le gouvernement a répondu à ces problématiques en montant une usine à gaz autour du contrôle des changes, provoquant des ruptures au niveau de l’alimentation – dans son sens le plus élémentaire – de la population. Il y a également les problèmes liés à l’insécurité. Le Venezuela est un des pays les moins sûrs d’Amérique Latine, où la délinquance est la plus élevée du sous-continent avec le Mexique et certains pays d’Amérique Centrale. Cette problématique touche tous les Vénézuéliens, y compris les segments de l’électorat qui sont proches de Hugo Chavez.
Si vous faites la somme de tous ces éléments, en y ajoutant encore que le candidat gouvernemental n’a pas vraiment abordé ces questions-là, on peut comprendre que les électeurs aient eu un doute. En effet, finalement, si le candidat de l’opposition nous garantit la perpétuation de l’acquis social, tout en proposant une gestion différente, pourquoi ne pas essayer ? Cela étant dit, Henrique Pericles n’a pas convaincu une majorité d’électeurs. C’est Nicolas Maduro, malgré tout, qui est sorti vainqueur.

Henrique Capriles a demandé le recomptage des voix. Pourquoi une telle requête ? Et à quoi doit-on s’attendre dans le futur de la part du leader de l’opposition ?

On se trouve dans une dynamique qui est porteuse pour Henrique Capriles. Après les élections perdues d’octobre, il avait été contesté par les secteurs les plus radicaux de son propre camp. Il avait été remis en selle par sa victoire dans l’Etat de Miranda, où il se présentait pour être gouverneur. Il est donc sur une dynamique plutôt positive mais qui n’a pas été évidente à mettre en place, puisque, comme expliqué précédemment, il a dû faire admettre par la totalité de l’opposition la nécessité de la perpétuation des programmes sociaux, même aux éléments les plus à droite et les plus radicaux de celle-ci. Par conséquent, pour poursuivre sur sa lancée, il doit faire un baroud d’honneur sur le processus électoral pour démontrer qu’il est combatif et qu’il ira jusqu’au bout. Cela signifie que d’ici trois ans l’opposition va probablement organiser un referendum révocatoire comme le prévoit la constitution, modifiée par Hugo Chavez, et dont l’opposition avait déjà saisi l’opportunité en 2004. Henrique Capriles va donc se trouver dans une dynamique de combat lors des prochains mois et des prochaines années.
En cas de victoire de l’opposition, la principale conséquence aurait été de déplacer l’orientation du gouvernement. D’un exécutif qui conteste l’ordre international, à l’instar de la plupart des gouvernements latino-américains, vers un gouvernement qui aurait été plus proche des centres de pouvoir internationaux de la triade. Le fait que Nicolas Maduro soit réélu confirme donc le camp des gouvernements contestataires. D’ailleurs, les premières félicitations, alors qu’il faut encore recompter les voix, qui sont arrivées à Nicolas Maduro émanent de Cuba, de l’Equateur et de l’Argentine.

Quels sont les principaux défis auxquels devra faire face le nouveau président vénézuélien ? Avec un résultat électoral si serré, peut-on dire que le « chavisme » est affaibli ? Et doit-on s’attendre à une certaine ouverture de Nicolas Maduro vers l’opposition ?

Le premier défi, c’est de rassurer son propre camp. Certains responsables du parti socialiste du Venezuela ont déjà appelé le candidat à prendre les problèmes du pays à bras-le corps, autrement dit, à émettre des propositions concrètes. Le second défi est de reconquérir les 800 000 électeurs qui ont basculé du chavisme vers l’opposition, entre le mois d’octobre 2012 et le mois d’avril 2013. Il va devoir convaincre ces électeurs déçus qu’ils ont fait le mauvais choix et qu’ils doivent revenir dans le bercail chaviste.
Pour Nicolas Maduro, il va falloir faire des propositions concrètes, c’est-à-dire, parler de l’inflation, de l’alimentation électrique et de la sécurité dans les quartiers. C’est ce qu’attendent les Vénézuéliens, et en particulier les électeurs traditionnels du chavisme. Pour un temps, il devra abandonner le vocabulaire idéologique qui habillait la totalité du discours de Hugo Chavez mais qu’il maîtrise manifestement moins bien. Parmi les problèmes qui se posent à moyen terme au pays – qui se posaient déjà avant l’arrivée de Hugo Chavez au pouvoir et qui se posent toujours – la diversification de l’économie est centrale. Il faut trouver les moyens d’avoir une économie durable qui ne repose pas simplement sur la répartition des revenus tirés d’une ressource non-renouvelable, à savoir le pétrole.
Quant au chavisme, il est effectivement affaibli par ce résultat qui est une incontestable avancée de la part de l’opposition et qui constitue un échec du parti socialiste unitaire du Venezuela. Au sujet d’une éventuelle ouverture à l’opposition, cela paraît difficile. Indépendamment de savoir si Nicolas Maduro le souhaite ou non, on voit mal dans la dynamique qui a été créée par Henrique Capriles, dans quelle condition il pourrait rentrer dans une quelconque collaboration. Effectivement, il a obtenu ses résultats par la confrontation.

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