ANALYSES

Opération « Pilier de la défense » : quel bilan ?

Interview
22 novembre 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Un accord a été passé entre Israël et le Hamas hier mettant un terme à une semaine d’affrontement armé. La trêve vous semble-t-elle durable ?

Il faut souhaiter que cette trêve soit durable, ce qui semble réalisable. Tant Israël que le Hamas peuvent, en termes de communication, affirmer avoir atteint leurs objectifs : faire cesser les tirs de roquettes pour Netanyahou ; allégement du blocus et arrêt des assassinats ciblés pour le Hamas, avec en plus la fierté d’avoir montré que Tel-Aviv est désormais à portée de tir. Président égyptien et ministre tunisien se sont rendus à Gaza et le contrôle du Hamas sur ce territoire s’est également renforcé. Le bilan humain pour quelques jours de frappes dites ciblées est pourtant lourd (155 morts côté palestinien, 5 côté israélien).

Netanyahou sort-il renforcé de cette opération « Pilier de la défense » à deux mois des élections législatives israéliennes ?

Le bilan est positif pour Netanyahou. Il peut dire aux électeurs israéliens qu’il a agi avec fermeté, en répliquant aux tirs de roquette, et modération en proclamant la trêve. La poursuite de l’opération aurait pu entraîner des dérapages incontrôlés. Il se présente en bonne position pour les élections puisque l’opposition a été contrainte d’approuver son attitude. Obama l’a soutenu, ne tenant pas rigueur de son implication en faveur de Romney dans l’élection présidentielle américaine. Mais peut-être sera-t-il plus dur avec lui après avoir réinvesti la Maison-Blanche et après les élections israéliennes. Mais si Netanyahou peut apparaître comme vainqueur, Israël est perdant et son isolement est plus fort. Certes, il y a toujours un soutien américain inconditionnel et un soutien relativement fort de la part des gouvernements européens. Mais les opinions publiques en Europe sont par contre majoritairement critiques à l’égard d’Israël et son isolement régional est plus fort que jamais. Le vote prévu le 29 novembre sur l’admission de la Palestine comme État non-membre aux Nations-Unies, malgré l’opposition virulente de Tel-Aviv, devrait marquer encore plus cet isolement.

A qui peut être attribué le succès diplomatique de la trêve signée entre Israël et le Hamas ?

Le vainqueur diplomatique de cet épisode est l’Égypte. Hillary Clinton a co-sponsorisé la trêve, mais c’est bien l’Égypte, capable de parler aussi bien à Israël qu’au Hamas, qui en est vraiment l’architecte et apparaît comme tel. Mohamed Morsi se voit renforcé aussi bien sur le plan national qu’international. La diplomatie égyptienne est beaucoup plus mobile car plus libre que du temps de Moubarak et cela va flatter le patriotisme égyptien, qui était auparavant humilié.
Les Européens ont quant à eux brillé par leur impuissance volontaire, leur refus de parler au Hamas et leur timidité à l’égard d’Israël, et se sont cantonnés dans le domaine de la déploration sans réelle capacité d’agir sur les choses. Il ne sert à rien de faire une médiation entre le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne lorsque les combats concernent Israël et le Hamas. Quoi que l’on puisse penser du Hamas, c’est un acteur incontournable du dossier. Refuser d’avoir des contacts officiels avec lui revient à un déni de réalité.
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