ANALYSES

Obama réélu : et maintenant ?

Interview
7 novembre 2012
Le point de vue de Barthélémy Courmont
Quel bilan peut-on dresser de cette campagne?

Elle ne fut pas, loin s’en faut, aussi passionnée et passionnante qu’il y a quatre ans. La faute sans doute à un Barack Obama un peu usé par l’exercice du pouvoir et un mandat marqué par d’épuisantes luttes partisanes auxquelles il ne s’attendait peut-être pas. La faute aussi sans doute à un Mitt Romney respectable, mais pas vraiment à la hauteur, surtout en comparaison avec une figure comme John McCain, il y a quatre ans. Les campagnes marquées par la présence d’un ‘sortant’ sont souvent moins passionnantes que celles, comme en 2008 et on l’espère en 2016, qui opposent des candidats ‘frais’. Mais ce n’est pas la seule raison. L’Amérique de 2012 laisse de côté, par nécessité plus que par choix, son messianisme pour adopter une attitude pragmatique sur tous les dossiers. Finies les envolées lyriques sur le caractère indispensable de ce pays, sur le rêve américain, sur les valeurs que Washington véhicule : cette campagne fut celle de la crise, du chômage, de la détresse dans laquelle vivent des millions d’Américains. Elle fut aussi celle d’un constat d’échec : quelle que soit l’administration au pouvoir, l’Amérique fait face à des défis qu’elle ne semble plus pouvoir relever. La Chine est là, omniprésence, obsédante, et déterminante. Et face à elle, l’Amérique semble désarmée. Les électeurs ont voté, mais leurs convictions et leurs espoirs de 2008 ont laissé place à un réflexe partisan, à une logique politique qui consiste à voter par défaut pour éviter que l’autre camp l’emporte. Enfin, malgré les propos qui se veulent rassurants d’Obama lors de son discours de victoire, la division est bien là, elle est forte et elle continuera d’empoisonner sa présidence, qu’il le veuille ou non.

Qu’est-ce qui a fait selon vous que Barack Obama a finalement remporté ces élections?

De multiples facteurs. D’abord, bien qu’en misant sur l’économie, Mitt Romney n’est pas parvenu à proposer une alternative crédible. Son programme n’en était pas vraiment un, et il avait visiblement oublié de mentionner la colonne des ‘recettes’ permettant de contre-balancer ses dépenses en hausse. Les Américains ont estimé, dans leur majorité, que l’administration sortante était, malgré les résultats décevants, plus qualifiée. Romney a également constamment été contraint de jouer l’équilibriste entre les différentes mouvances de son parti, afin de plaire à tout le monde. Sa crédibilité en a cruellement souffert, et Obama n’avait pas tort quand il s’étonna d’avoir croisé lors de leur premier débat télévisé (le fameux ‘remporté par Romney’) un ‘autre Romney’. Les Américains n’ont visiblement pas été conquis par cet équilibriste, et l’unité au sein du parti républicain n’a pas été suffisamment forte. Enfin, et c’est une question plus profonde, le parti républicain, qui est le grand perdant de cette élection, semble aujourd’hui en décalage avec les réalités sociologiques américaines. Les sorties de certains candidats sur l’avortement, le refus d’admettre les réalités d’une Amérique multiethnique… le parti républicain a pris du retard sur les Démocrates dans ce domaine, et s’il veut à nouveau remporter un scrutin national, il lui faudra vite s’adapter à ces nouvelles réalités. Finalement, les électeurs restent très divisés, mais au collège électoral, la victoire d’Obama est on ne peut plus nette, surtout si on ajoute la Floride (qui comme en 2000 semble faire de la résistance, et pourrait être qualifié de premier Etat américain qui n’aime pas donner son résultat dans les temps. On doit avoir du mal à compter sous le soleil de Floride…).

Quelles sont les priorités de ce nouveau mandat de Barack Obama ? Quelle est sa marge de manœuvre avec un Congrès divisé ?

Si les Républicains restent en tête à la Chambre des représentants, les Démocrates conservent leur majorité au Sénat. Le parti républicain contrôle donc une des deux chambres du Congrès, et devra faire face dans deux ans à une élection qui verra l’ensemble de ses membres en campagne. En d’autres termes, cette élection n’a absolument rien changé, et les forces en présence sont les mêmes. Ce qui signifie que les divisions politiques seront les mêmes, et que les blocages en découlant ne seront pas levés. Si la première présidence Obama fut difficile, surtout les deux dernières années, le mandat qui s’ouvre n’augure rien de mieux, et c’est évidemment un problème pour le président en exercice. Face à ce dilemme, Obama risque cette fois de se montrer plus ferme, moins conciliant avec les Républicains, et il cherchera à imposer son programme plus qu’à chercher un soutien bipartisan que les quatre premières années ne lui ont jamais offert. Ses priorités? Poursuivre les réformes engagées, et ‘finish the job’. Mais cela sera-t-il possible avec une Chambre républicaine ? Rien n’est moins sûr.
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