ANALYSES

Obama-Romney : quid du dernier débat ?

Interview
23 octobre 2012
Le point de vue de
Que doit-on retenir de ce dernier débat entre Obama et Romney sur les questions de politique étrangère ?
Il n’y a pas eu beaucoup de surprises, Obama a effectivement cherché à imposer sa figure de Commander in Chief qui a sécurisé l’Amérique, en expliquant que, depuis le 11 septembre 2001, l’Amérique n’avait jamais été aussi sûre que durant son mandat. En face, Romney s’est attaché, comme depuis les deux premiers débats d’ailleurs, à défendre un programme beaucoup plus modéré qu’on ne l’attendait. Il l’a notamment été sur l’Iran en évoquant des sanctions, sur la Syrie où il a rejeté l’idée d’une intervention militaire américaine… Donc il y a effectivement eu une sorte de « consensus » autour des politiques à mener : finalement Romney aurait conduit à peu près la même politique, en tout cas si on se fie au débat d’hier.
En revanche, il y a une grande différence sur le constat qu’ils dressent chacun de l’état du monde, puisqu’Obama dépeint un monde plutôt plus sûr aujourd’hui qu’il y a quatre ans, malgré le fait qu’il subsiste encore des régions en difficulté, alors que Romney, dans son rôle, a dépeint un monde tumultueux. Le mot « tumulte » ( tumult en anglais) est revenu un nombre de fois incalculables, afin d’évoquer le chaos, et visant à expliquer qu’il était le seul apte à réhabiliter la place et l’influence de l’Amérique dans le monde, puisque c’est ce qui prédomine quand on parle de politique étrangère aux Etats-Unis. Romney a donc dessiné une Amérique sur le déclin, qui a moins d’influence dans le monde qu’il y a quatre ans tandis qu’Obama a plutôt cherché à montrer au contraire qu’il avait tissé des liens plus profonds et que la politique menée avait porté ses fruits notamment en terme de sécurité.
Mais sur le fond, il y avait finalement peu de différences fondamentales entre les deux candidats, même si aujourd’hui Barack Obama est plutôt donné vainqueur de ce débat. A mon avis, cela tient davantage au fait qu’il est le Président sortant : sur des questions de politique étrangère, le Commander in Chief actuel a un avantage, surtout face à quelqu’un qui n’a aucune expérience internationale. C’était frappant d’entendre hier Mitt Romney rappeler qu’il a gouverné le Massachussetts à plusieurs reprises… Ce ne sont tout de même pas les mêmes enjeux que pour le monde entier.
Nous nous sommes également bien rendus compte hier soir que l’essentiel de cette campagne ne résidait pas dans les questions de politique étrangère : ce sont bien les questions économiques et sociales qui ont dominé, puisque les deux candidats ont chacun profité de ce dernier débat pour parler encore et encore de leur programme économique et social. Parler des classes moyennes, parler de l’emploi aux Etats-Unis… nous n’étions plus vraiment dans de la politique étrangère même si ils ont essayé de la « raccrocher » en expliquant que les bons résultats économiques à l’échelle nationale permettraient d’entretenir l’effort de guerre à l’échelle mondiale.
Une des grandes différences au final est qu’Obama continue de geler les dépenses militaires américaines alors que Romney considère lui qu’il faut au contraire les augmenter, avec cette idée républicaine simple et classique qui est que l’Amérique est attaquée quand elle est faible donc il faut qu’elle soit suffisamment forte pour que personne n’ait même l’idée de le faire. C’est un classique des années Bush, Donald Rumsfeld ayant dit la même chose il y a presque une dizaine d’années maintenant.

Obama a également défendu un bilan hier. A-t-il tenu ses engagements de campagne pendant ces quatre ans ?
C’est toujours très difficile de dresser un bilan dans la mesure où c’est un peu partisan : il n’y a pas de bilan objectif. Tout dépend, effectivement, si l’on est plutôt démocrate ou plutôt républicain. L’un de ses engagements de campagne était de faire la guerre à Al-Qaïda et, pour le coup, celle-ci a été menée de front puisque non seulement Ben Laden a été assassiné mais la plupart des dirigeants d’Al-Qaïda ont été victimes d’attaques ciblées, de la part de drones notamment. Donc en termes de sécurité nationale, je crois que le bilan de Barack Obama est plutôt bon, même s’il y a un mois, les évènements de Benghazi et du Caire ont tendu à remettre en cause toute cette politique. En tous les cas, c’est ainsi que Romney l’a analysé en expliquant que la vague anti-américaine dans le monde musulman était finalement la conséquence d’une politique de faiblesse depuis quatre ans, celle de la main tendue. Il y a effectivement quand même eu des ratés : l’Iran n’a pas reculé sur son programme nucléaire, la Corée du Nord non plus, annonçant même il y a dix jours qu’elle serait capable de toucher le sol américain. De plus, la Chine reste un partenaire commercial déloyal et difficile à manœuvrer. Cela étant dans un contexte mondial difficile, de crise, de repli protectionniste des uns et des autres, je crois que le bilan est globalement plutôt positif.

Quels sont les prochains temps forts de la campagne électorale d’ici le 6 novembre ? Peut-on encore s’attendre à un retournement de tendances ?
Effectivement, il reste deux semaines et il n’y a plus de temps forts prévus, en tout cas plus de débat. C’est intéressant car cette année les débats ont vraiment constitués les temps forts de la campagne. Cela s’explique largement parce que les Américains en ont vraiment assez des publicités (notamment négatives) et avaient envie de voir s’affronter les deux candidats.
Au vu des plannings des candidats pour les prochains jours (on dispose toujours des programmes trois ou quatre jours à l’avance seulement), Romney et Obama vont comme tous les quatre ans sillonner sept, huit, neuf Etats au maximum -les fameux Swing States -. Ils vont y passer tout leur temps, un temps considérable donc, et vont encore y dépenser des dizaines de millions de dollars. Il reste encore à peu près 100-120 millions de dollars à dépenser sur des publicités extrêmement ciblées sur telle ou telle catégorie de la population.
A moins qu’un évènement international important se produise, il ne se passera a priori rien d’incroyable. Chacun va essayer de consolider son propre camp. Aujourd’hui, Obama a une légère avance mais c’est une avance qui se fragilise jour après jour. Je ne vois donc pas un retournement de tendance, d’autant qu’aujourd’hui l’écart entre les candidats est tellement serré, sauf en cas d’événements extraordinaires.
Chacun va essayer de mobiliser au maximum ses troupes. L’enjeu, pour Barack Obama est de faire voter les femmes massivement, et pour lui en particulier, ainsi que les populations qui ne votent pas ou qui ont voté en 2008 pour la première fois et qui hésitent aujourd’hui. Le taux de participation étant un enjeu important, les démocrates vont, à mon avis, beaucoup axer sur la dangerosité de Mitt Romney. Et par conséquent sur l’urgence à aller voter. Inversement, de l’autre côté, je pense que les républicains ont trouvé leur discours : celui du « patron qui a su créer des emplois » donc on va aller répéter à l’envie ce discours jusqu’au 6 novembre. Ce sera une élection très serrée de toute façon, ça ne se jouera peut-être pas le 6 novembre mais peut-être même bien plus tard en cas de recomptage.
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