ANALYSES

Hillary Clinton vient d’appeler le Japon et la Corée du Sud à “calmer le jeu” à propos de leurs différends autour d’un archipel de la mer du Japon, ravivés par un déplacement récent du président coréen. Quels en sont les origines et enjeux?

Interview
10 septembre 2012
Comme c’est souvent le cas des différends frontaliers, celui-ci remonte à très longtemps, 1618 pour être précis, quand le Japon décida de reconnaître les rochers Liancourt (Dokdo en coréen et Takeshima en japonais) comme partie intégrante de son territoire. Une fois terminée la colonisation japonaise de la Corée, en août 1945, ces rochers furent restitués, comme la péninsule, à la Corée, qui les occupa à partir de 1954, après la fin de la guerre de Corée, mais le Japon ne l’accepta jamais. Il s’agit donc, il faut le rappeler, d’un différend historique qui attise les nationalismes de part et d’autre de la mer du Japon – ou de l’Est, pour les Coréens – depuis sept décennies. A cela s’ajoute la question de la zone économique exclusive (ZEE), qui n’est pas clairement définie entre les deux pays tant que ce différend n’est pas réglé. En toile de fond, la possibilité de prospecter les fonds marins est clairement une des composantes de cette dispute.

Une continuité des problèmes que le Japon rencontre avec ses voisins sur d’autres différends territoriaux.

Il semble que le Japon soit actuellement confronté à plusieurs défis territoriaux, notamment sur les îles Senkaku (Diaoyu en chinois), situées à moins de 200 km au nord de Taiwan, occupées depuis 1895 par Tokyo, et revendiquées à la fois par Pékin et Taipei. La tension est montée d’un cran ces dernières semaines entre les trois acteurs, et le président taiwanais Ma Ying-jiou s’est rendu sur place quand Tokyo a fait part de son souhait d’acheter les îles. Même si ces différends sont distincts, il y a forcément un lien qui réside dans la volonté de faire pression sur le Japon, et de choisir un moment opportun.

Le président conservateur coréen symbole d’une Corée du Sud décomplexée

Lee Myung-bak, qui termine son mandat à la fin de l’année (il ne peut se représenter pour un second mandat, en vertu de la Constitution sud-coréenne), s’est toujours montré ferme dans la relation avec ses voisins, que ce soit la Corée du Nord (sa ligne politique le distingue de ses deux prédecesseurs, favorables au dialogue) ou le Japon. En ce sens, il incarne une Corée du Sud décomplexée et qui n’a pas peur de faire face aux défis sécuritaires dans la région. Le Japon et la Corée du Sud sont des partenaires économiques et des Etats amis, mais les contentieux restent sensibles, et sont liés en grande partie à l’impérialisme du Japon dans la première moitié du XXème siècle. Côté coréen, ces rochers représentent un enjeu qui dépasse la politique, et on note ainsi que dans les semaines qui précédèrent la ‘visite’ de Lee Myung-bak, plusieurs couples de jeunes coréens s’unirent au large des rochers, leurs invités portant des t-shirts aux slogans forts. Enfin, Lee profite des difficultés que rencontre aujourd’hui le Japon, tant économiquement que politiquement, pour le contraindre à lâcher du lest sur ce sujet sensible en échange d’un dialogue renforcé entre Séoul et Tokyo sur les échanges économiques et commerciaux. S’il réussit son coup, il terminera son mandat en beauté, après s’être heurté à l’opiniâtreté de Pyongyang.