ANALYSES

La déclaration du vice-Premier ministre syrien ce mardi à Moscou représente-t-elle un tournant ?

Interview
22 août 2012
Le point de vue de Didier Billion
Il s’agit de rester prudent et de ne pas faire de déclarations ou d’analyses à l’emporte-pièce. Néanmoins, deux indicateurs nous montrent que nous sommes peut être à l’orée d’un changement de conjoncture dans la crise syrienne : la qualité de l’homme qui prononce cette déclaration et le lieu où celle-ci a été prononcée.
Qadri Jami est tout de même vice-Premier ministre. Faire une telle déclaration sans avoir été mandaté préalablement équivaudrait pour lui à une pulsion suicidaire.

Le fait que cette phrase ait été prononcée lors d’une conférence de presse, à Moscou, en la présence de Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, constitue également un indicateur très puissant. Nous devons considérer que la Russie est véritablement, et nous en avons encore la preuve avec cette déclaration, l’élément déterminant qui pourrait débloquer politiquement la situation. La Russie est encore le pays qui, au-delà du soutien qu’elle continue de marquer envers le régime de Bachar el-Assad, tente par divers moyens d’ouvrir la porte à une solution négociée. En ce sens, elle peut faire pression sur le régime syrien, pour qu’à terme, et le plus vite sera le mieux, Bachar el-Assad démissionne. L’important pour la Russie est qu’une solution soit mise en oeuvre de façon négociée et raisonnée. Les Russes préfèreraient ainsi maintenir une partie de l’appareil d’Etat et éviter que la situation ne vire au chaos total dans les semaines ou les mois à venir.

S’il y a, à travers cette déclaration, des avancées dont on n’arrive pas à mesurer précisément les tenants et aboutissants, le fait qu’elle ait été prononcée à Moscou montre que la diplomatie russe est plutôt à l’offensive. N’ayant pas tous les éléments précis en main, il est difficile d’en dire plus mais les deux indicateurs précédemment cités nous montrent que nous sommes peut être au début d’une modification politique de la situation syrienne.

Enfin, chacun comprend, et notamment ces derniers jours, qu’il n’y aura pas, qu’il ne peut pas y avoir, de solution militaire au conflit. Les combats à Alep ne sont pas terminés et même s’il ne faut pas mythifier leur ampleur (ils sont en réalité extrêmement localisés), les incendies insurrectionnels ne sont pas maîtrisés par les troupes de Bachar. Lorsque ces dernières réussissent à en éteindre un, il s’en déclare un autre quelques dizaines ou centaines de mètres plus loin, ou dans une autre ville et ainsi de suite. Militairement les troupes de Bachar el-Assad ne parviennent pas à endiguer la dynamique insurrectionnelle qui existe. Il apparaît donc impératif de trouver une solution politique. C’est en ce sens que les Russes constituent un élément indispensable dans la résolution de l’équation complexe à plusieurs inconnues qui prévaut actuellement en Syrie.
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