ANALYSES

Quelles réformes pour le foot français ?

Interview
23 mars 2012
Le point de vue de Pim Verschuuren
Le gratin du football français était réuni hier (jeudi 22 mars) au Stade de France, à l’invitation de l’Union des Clubs Professionnels de Football, pour réfléchir sur la mutation actuelle du monde du foot français et tenter d’élaborer des pistes pour optimiser son développement. Les objectifs sont multiples : rattraper les grands championnats européens en termes de revenus, de spectacle et de performance, attirer les spectateurs, finir la modernisation et la construction des stades afin de réussir l’accueil de l’Euro 2016.
Mais la réforme du foot français ne peut se faire en vase clos. Les politiques, les collectivités locales, les médias, les investisseurs, et surtout le public sont autant d’acteurs et d’intérêts qu’il faut intégrer dans la réflexion.
L’un des principaux thèmes de cette journée de réflexion a été celui de la relation entre les clubs et les pouvoirs publics. La proposition de François Hollande de taxer à 75% les salaires des plus riches, vise directement les joueurs de foot et a rencontré une levée de boucliers du monde du football, pour qui l’attractivité fiscale est vitale dans le recrutement des meilleurs joueurs internationaux. Comme le disent les présidents de club, le football doit certes s’avoir s’adapter au contexte budgétaire et culturel également, mais le football ne peut devenir une vache-à-lait et sacrifier les performances des clubs. Il a été proposé hier de donner un statut d’artiste aux joueurs de football, ce qui avait déjà été mis sur la table auparavant.
Le coût de la rénovation des stades fait aussi grincer des dents du côté des pouvoirs publics. Les clubs demandent quant à eux de faciliter la cession des enceintes sportives à ces clubs qui pourront au mieux les exploiter.
Le deuxième sujet de débats a été celui de la compétitivité sportive du championnat français : quand un club français pourra-t-il gagner la Ligue des champions ? Même si cette année l’Olympique de Marseille a réussi à se qualifier– in extremis– pour les quarts de finale de la Ligue des Champions, le risque de déclassement à long-terme est réel. Comment expliquer que le Portugal ait récemment dépassé la France au classement des indices de l’UEFA ? Au contraire de leurs homologues français, les clubs portugais peuvent aligner plus de quatre joueurs extra-communautaires. C’est un premier argument, mais il n’est pas suffisant. Les débats ont mis en exergue les problèmes et l’éternel problème du calendrier surchargé. Faut-il imiter l’Angleterre et sacrifier la trêve hivernale ? Baisser le nombre de clubs à 18 ? Ou organiser le championnat de mars à novembre ? Faut-il obliger les clubs à installer des pelouses chauffées pour éviter les matchs annulés à répétition comme en février dernier ? Alors que l’on pointe du doigt le manque de recettes des clubs, les statistiques soulignent la baisse de la billetterie entre décembre et février.
Mais peut-être que le problème est plus profond et est d’ordre culturel, comme l’affirme Léonardo, directeur général du PSG. L’ancien joueur brésilien estime que la « culture de la gagne » n’est pas assez prononcée en France. Selon lui, les clubs doivent engager plus de préparateurs physiques ou mentaux, et aussi être plus « sévères » dans leurs relations avec les joueurs. C’est une question d’attitude professionnaliste qui sépare les clubs français des meilleurs clubs continentaux. La France a pourtant l’un des meilleurs systèmes de formation au monde, mais ces jeunes talents s’empressent de jouer dans les meilleurs clubs, qui ne sont pas français ! Faut-il interdire aux joueurs de moins de 16 ans de quitter leur région ? La question a été posée.
Alors que certains proposaient d’organiser des réunions entre les différents
entraîneurs de France pour développer une « philosophie » commune de jeu, d’autres ont insisté sur le couperet de la relégation en Ligue 2, qui est très dangereuse pour les clubs, comme l’ont montré les exemples de Nantes, Lens ou Strasbourg. La différence de revenus entre la L1 et la L2 peut en effet être fatale pour des clubs traditionnellement installés en L1. Les clubs entre la 8e et la 20e place luttent pour éviter la relégation et adoptent ainsi une tactique beaucoup plus défensive, au détriment du spectacle sportif. Bref, c’est l’économie professionnelle du football français qu’il faudrait améliorer.


Il s’agit justement de la troisième question abordée par la conférence : la compétitivité économique des clubs. Par rapport à ses voisins européens la France peine à rentabiliser son championnat. Les débats ont soulevé plusieurs priorités : améliorer le parcours du spectateur (client) de l’achat du billet à son retour à domicile, améliorer le calendrier (on y revient) et les horaires des matchs, et sortir de la « culture de la gratuité » selon laquelle plus d’un million de billets par an sont distribués gratuitement au public (écoles, clubs, associations etc.). Globalement, et ce point était le fil rouge de la journée, l’important est d’améliorer l’image du football français. Afin d’attirer les spectateurs, le spectacle sportif doit être scénarisé, les marques des clubs doivent être développées et il faut mieux exposer les clubs dans les médias. Afin d’attirer les investisseurs, il est également vital de promouvoir la régularité et la stabilité du modèle économique des clubs, notamment leur gouvernance, en réponse aux aléas sportifs par essence irréguliers et imprévisibles.


Le dernier sujet de la conférence était celui des médias, à savoir comment les clubs devaient-ils améliorer leur relation–tumultueuse mais vitale– avec la presse traditionnelle tout en investissant dans les nouveaux médias que sont les réseaux sociaux notamment. Le FC Barcelone a 23 millions de « fans » sur Facebook, l’Olympique de Marseille, club le plus populaire en France en a tout juste 1,2. Cet écart ne doit pas être une fatalité. Il est symptomatique et découle fort logiquement des déficiences dans les thèmes précédemment abordés : manque d’investissement, déficit d’image, contre-performances sportives, etc.
Les médias, présents hier, critiquent l’attitude peu reluisante des joueurs et des cadres sportifs dans les interviews et veulent un accès toujours plus direct et régulier aux athlètes. Les clubs doivent répondre à ces problèmes et simultanément investir les réseaux sociaux qui peuvent leur permettre de maitriser leur propre communication, d’en être les acteurs directs. Ces nouveaux médias, au contraire des médias traditionnels, ne sont pas des développeurs de revenus mais des développeurs de marque. Aux clubs de prendre en main l’amélioration voulue de leur communication, sans tomber ni dans le désordre communicationnel, ni dans l’aseptisation.
Au final peu de thèmes foncièrement nouveaux ont été abordés. On connait les controverses et les mesures difficiles qui seront à prendre pour permettre au foot français de redevenir compétitif. Mais cette journée de débats, riche et nécessaire, aura une nouvelle fois surligné l’urgence de cette réforme qui devra prendre en compte les intérêts et l’avis de l’ensemble des acteurs du monde sportif.
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