ANALYSES

L’arrivée au pouvoir du nouveau président Mansour Hadi marque-t-elle l’aboutissement de la révolution yéménite ?

Interview
28 février 2012
Le point de vue de Didier Billion
Le problème tient justement dans le fait qu’il n’y a pas eu de révolution au Yémen. Ce vocable est fréquemment utilisé pour qualifier les bouleversements politiques qui ont cours dans le monde arabe depuis plus d’un an maintenant, mais en réalité extrêmement peu de pays ont connu de réels changements politiques. La Tunisie et dans une moindre mesure l’Égypte peuvent être citées, mais certainement pas le Yémen.
Certes le pays a connu un incontestable changement puisque le président Ali Abdallah Saleh a été forcé d’accepter un processus de transition. Mais ce dernier est parfaitement maîtrisé. Une sorte de jeu de dupes semble s’être ouvert, puisque le seul candidat à l’élection présidentielle fut son vice-président durant des années, un homme du pouvoir, un homme du système. En ce sens, il semble difficile de parler de révolution.


De plus, les services de sécurité sont toujours aux mains de proches d’Ali Abdallah Saleh, et il y a fort à parier que ce dernier va faire son retour au Yémen dans les semaines à venir en tant que leader du principal parti, le Congrès général du peuple.
Ceci étant, l’agenda politique des semaines et des mois à venir est intéressant, parce qu’il trace la perspective des élections législatives. Dans le cours de leur préparation, on peut souhaiter qu’un réel processus de confrontation politique et démocratique ait lieu, qui fait cruellement défaut aujourd’hui.
Finalement, les responsables politiques et tribaux – qui tiennent une large place dans le pays- ont trouvé un compromis. Compromis qui peut sembler insuffisant, mais demeure néanmoins préférable à un bain de sang. Une sorte d’équilibre tacite est donc en train de se mettre en place. En ce sens, les plus radicaux de ceux qui portaient un mouvement révolutionnaire ont montré leur insatisfaction et pour certains d’entre eux appelé au boycott, ce qui prouve bien le sentiment de trahison qu’a fait surgir la mise en œuvre de ce processus de « transition ». Certains indépendantistes du sud du Yémen ont aussi appelé au boycott, mais en réalité le taux de participation a été tout à fait convenable, et surtout, ces élections ont bien eu lieu.
Il ne s’agit toutefois pas là d’élections démocratiques au sens où nous pouvons l’entendre, mais d’une porte laissée ouverte à une possible avancée vers la naissance d’un processus démocratique dans les semaines, les mois ou les années à venir.
Mais nous n’en sommes pas là. Il s’agit seulement à ce stade d’un processus de compromis politique, dont l’établissement a primé sur la perpétuation des conflits, y compris armés, qui ont déjà fait de nombreux morts.
Dans le cas du Yémen, il ne faut pas se tromper de qualificatif. Le pays ne connaît pas de révolution, pas de modification ni de changement démocratique pour l’heure, mais seulement une solution de compromis qui permet d’entrevoir l’avenir avec peut-être un peu moins de pessimisme que la situation n’aurait pu le laisser supposer il y a quelques mois encore.
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