ANALYSES

Pourquoi les ministres des Finances de l’eurozone ont-ils jugé le plan de rigueur grec insuffisant ? La Grèce a-t-elle les moyens de respecter l’ultimatum qui lui a été posé ?

Interview
10 février 2012
La question du sauvetage de la Grèce cache des difficultés à la fois politiques et techniques. Politiques parce que les États européens, d’une part n’ont plus confiance en la Grèce, et d’autre part commencent à se demander si une faillite du pays serait véritablement aussi catastrophique qu’annoncé. Les pays de l’eurozone ont perdu leur confiance en la Grèce car il apparaît que depuis un ou deux mois, le gouvernement Papadémos, juste après sa nomination, a levé le pied sur les réformes et les mesures d’austérité, alors qu’il avait pour mission de sauver son pays. On a l’impression que les partis politiques grecs ont pensé que l’Union européenne ne les laisserait en aucun cas tomber en raison de l’effet domino latent qui pourrait atteindre l’Italie et l’Espagne, et que par conséquent ils pourraient éviter d’accentuer les mesures d’austérité qui rendent les partis politiques fortement impopulaires alors que des élections auront lieu au mois d’avril. En conséquence de ce relâchement de l’effort grec, on voit émerger, à Bruxelles, une réelle volonté de punir les Grecs pour leurs erreurs passées.
Serait-il alors si catastrophique que la Grèce fasse défaut ? La crise a effaré les leaders européens entre août et décembre, lorsqu’elle semblait être devenue systémique en frappant l’Italie et l’Espagne. Or depuis janvier, et depuis la décision de la BCE d’inonder de liquidités les banques européennes, l’Italie se porte beaucoup mieux ; le différentiel du taux d’intérêt entre les taux italiens et allemands est passé de presque 600 à 350 points, et le gouvernement Monti a fait voter un certain nombre de mesures d’austérité, de libéralisation de l’économie, et s’attaque aujourd’hui à la réforme de marché du travail. La situation semble donc s’être apaisée dans le pays. Si certains croient qu’il ne faut pas abandonner la Grèce pour éviter tout effet domino sur le reste de la zone euro, d’autres pensent que les marchés ont bien compris que la Grèce est un cas totalement à part et que l’Italie et l’Espagne sont des pays qui ont des fondamentaux économiques différents. Les Grecs devraient donc payer pour leurs erreurs passées.
A ces difficultés politiques s’en ajoutent d’autres, plus « techniques ».
Les ministres des Finances ont jugé le plan de rigueur grec insuffisant. Le plan de sauvetage européen en faveur de la Grèce, qui prévoyait des pertes pour le secteur privé de 50% des titres de la dette en leur possession a été dépassé par les événements. Aujourd’hui, dans les négociations entre le gouvernement grec et les établissements privés détenteurs de la dette du pays on leur demande désormais d’accepter une perte allant jusqu’à 72% de la valeur faciale de la dette qu’ils détiennent. Cette « perte » pour les acteurs privés doit être volontaire, car dans le cas contraire, les agences de notation estimeraient que la Grèce serait en défaut, et dans ce cas, les « crédits défaut swaps » – assurances sur la faillite d’un État – se déclencheraient, une première dans l’histoire des dettes souveraines, une première lourde d’incertitudes. Les créanciers privés demandent donc aux Etats et surtout à la BCE d’accepter également des pertes, ce qu’elle refuse pour ne pas être accusée par Berlin de participer à l’endettement grec.
En tout cela, le plan d’aide qui devait être de 130 milliards d’euros pour ramener la dette grecque à un niveau « soutenable » de 120% du PIB à l’horizon 2020 semble s’avérer insuffisant, et on parle désormais de 145 voire 150 milliards d’euros. Face à cette situation et aux atermoiements du gouvernement grec, les États européens, la Commission et le FMI ont demandé des nouveaux efforts de rigueur, estimant que le problème fondamental est la compétitivité perdue de l’économie grecque.
La situation est donc assez compliquée.
Un accord devrait être enfin trouvé, mais est-ce qu’il sera appliqué par le gouvernement grec ? Est-ce que cela convaincra les marchés ? Et les opinions publiques européennes ? Rien n’est moins sûr. Dans tous les cas, la situation de la zone euro s’est considérablement améliorée depuis janvier, la faillite de la Grèce fait, probablement à tort, un peu moins peur.