ANALYSES

Où en sont les rapports de force en Syrie après le veto sino-russe ? Quelle est la situation sur place ?

Interview
7 février 2012
Le point de vue de Didier Billion
Le rapport de force, à ce stade, ne dépend pas de la non-résolution de l’ONU de samedi dernier. Ce que l’on a pu constater aux cours de ces derniers jours, c’est une tendance à la militarisation des affrontements. Jusqu’alors, la plupart des manifestations restaient pacifiques même si la répression était d’une brutalité inouïe. On constate donc dans quelques villes, et Homs en est le symbole, la militarisation du conflit. D’autre part, j’ai été marqué par le fait que, le week-end dernier, les manifestations se sont multipliées, y compris de façon armée, dans la banlieue de Damas qui était jusqu’alors épargnée par le mouvement de contestation. Ce mouvement aurait donc tendance à s’étendre d’un point de vue géographique, et à se militariser. Mais il faut insister sur le fait que ce ne sont que des tendances et qu’il est extrêmement compliqué d’avoir des informations tangibles car, aux combats, se superpose la guerre psychologique des communiqués. En effet, chacun des camps inonde la presse de communiqués qui sont tous plus contradictoires les uns que les autres.


Deuxième aspect, s’il est entendu que le rapport de force interne ne dépend que partiellement d’une résolution des Nations unies, une telle décision, si elle avait été votée, aurait fait office de bouffée d’oxygène pour les protestataires syriens. Cependant, je ne pense pas que le véto sino-russe entraine un ralentissement du mouvement de contestation. Nous sommes depuis déjà longtemps dans une situation de bras de fer et, même sans résolution de l’ONU, le mouvement a pris un telle dynamique qu’il continuera son extension, à moins d’être éradiqué totalement par la violence.


Cela veut-il dire que le régime de Bachar Al-Assad est maintenant acculé et qu’il n’a que peu de réserves ? Je ne le pense pas. Nous sommes toujours dans cette situation où, au-delà des évolutions tendancielles, ce pouvoir a encore de la réserve. De la réserve extérieure d’une part, et nous en avons eu la démonstration à l’ONU samedi dernier, mais aussi à l’intérieur du pays où il continue à bénéficier d’une base sociale. C’est depuis ce point de vue qu’il ne faut pas céder au schématisme en considérant la population unie dans la révolte. Bachar Al-Assad bénéficie encore de la sympathie d’un socle social, à la fois basé sur les minorités confessionnelles et ethniques, et d’une partie de la bourgeoisie syrienne qui voit avec inquiétude l’évolution de la situation. Donc, le pouvoir du président en place, même s’il est de plus en plus isolé au niveau international, reste encore solide en interne. Les choses sont donc loin d’être jouées.

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