ANALYSES

Quelle est la portée des excuses d’Erdogan au peuple kurde ? Peut-on envisager le même scénario vis-à-vis des Arméniens ?

Interview
25 novembre 2011
Les excuses du Premier ministre Erdogan n’ont pas été adressées spécifiquement au peuple kurde. Les massacres de Dersim en 1937-1938 ont concerné les Alévis, qui comptaient en leur sein un très grand nombre de Kurdes. Il convient de distinguer ces deux minorités : les Kurdes représentent une minorité ethnique, alors que les Alévis sont une minorité religieuse au sein de la population majoritairement sunnite. Ce n’est pas tant le critère ethnique que l’appartenance religieuse qui fut au centre de ces massacres. De ce fait, les victimes furent surtout des Alévis. Cette minorité religieuse est encore la plus représentée en Turquie à l’heure actuelle. On comprend ainsi mieux pourquoi il ne s’agit pas d’excuses générales au peuple kurde.


Les massacres de Dersim représentent depuis très longtemps un tabou. La déclaration d’Erdogan permettrait ainsi d’ouvrir la discussion sur ce qui s’est réellement déroulé à Dersim. Sans vouloir considérer le contexte politique actuel, c’est une déclaration qui peut être qualifiée d’historique.



En tenant compte des circonstances de cette déclaration, on comprend qu’il ne s’agit pas d’une politique dont il faudrait attendre un élargissement à des questions comme la question kurde ou le génocide arménien. C’est un député de Dersim, membre du parti CHP, qui a soulevé cette question au cours d’une interview. À cette interrogation, le Premier ministre Erdogan a répondu : « Si l’on peut parler d’excuses au nom de l’État, dans ce cas-là oui, je peux dire que je m’excuse. » Cette réponse et les circonstances de l’interview, montrent qu’il n’y a pas eu véritablement une préparation avec des conséquences auxquelles il faudrait s’attendre sur le long terme.



Il faut rappeler également que la question du génocide arménien est bien plus délicate à trancher et à aborder. D’ailleurs Erdogan a dit à plusieurs reprises il y a quelques années, qu’il n’était pas question que ce soit de sa part, ou de celle de la Turquie, de s’excuser par rapport à ce qui s’est passé en 1915.