ANALYSES

Selon les premières indications, quelle lecture peut-on faire du scrutin en Tunisie et à quoi peut-on s’attendre ?

Interview
26 octobre 2011
La première constatation est que le peuple tunisien s’est mobilisé politiquement, ce qui s’est traduit électoralement par un taux de participation extrêmement important pour ce premier scrutin libre et pluraliste en Tunisie.

La deuxième conclusion qui tend à se dégager est que le parti Ennahda, qui se présente comme islamiste modéré, s’impose comme le principal parti sur l’échiquier politique tunisien. Même si les résultats ne sont pas encore définitifs, son succès électoral est réel et s’explique pour diverses raisons : une opposition historique au régime de Ben Ali qui lui a permis d’incarner une rupture radicale avec l’ancien régime ; un ancrage dans les quartiers populaires ; un discours conservateur en phase avec le retour aux valeurs traditionnelles et religieuses dans la société tunisienne ; des moyens humains et matériels importants durant la campagne.

Malgré son statut de « parti-leader », Ennahada ne veut ni ne peut exercer seul le pouvoir constituant et le pouvoir exécutif. En l’absence de majorité absolue à l’Assemblée constituante, Ennahda est contraint de constituer un gouvernement fondé sur une coalition avec d’autres partis, comprenant en particulier les partis de gauche (Ettakatol et le CPR). Un gouvernement d’union nationale n’est donc pas exclu.

Toutefois, si le principe d’une coalition s’impose pour éviter un blocage institutionnel et politique, les bases de l’accord politique risquent de poser problème, notamment lorsque l’Assemblée constituante et le gouvernement auront à trancher certains points relatifs au Contrat social que devra fixer la future constitution. Toutefois, il faut savoir que lesdits partis de gauche pressentis pour le gouvernement de coalition ne souhaitent pas revenir sur l’idée que « l’Etat a pour religion l’islam et pour langue l’arabe ». Attention donc à ne pas lire l’identité tunisienne avec le prisme « laïco-français » source de contresens et d’incompréhension mutuelle…

*Il dirige par ailleurs l’Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe de l’IRIS