ANALYSES

Tournée stratégique de Barack Obama en Asie

Tribune
23 avril 2014
Ce tour d’Asie est essentiel pour réaffirmer l’importance de la région Asie-Pacifique dans la stratégie américaine (« stratégie du pivot ») et pour rassurer les alliés de Washington dans une zone en proie à de vives tensions avec Pékin et Pyongyang. Le voyage doit aussi mettre l’accent sur l’économie avec les négociations trans-pacifiques en cours pour créer une vaste zone de libre-échange (le TPP ou partenariat trans-pacifique, qui compte au total 12 pays représentant 40 % du PIB mondial), avec à la clé « des millions de nouveaux emplois et des milliards de dollars en investissements potentiels ».

« Le voyage du président en Asie est une occasion importante pour redire l’attention soutenue que nous portons à la région Asie-Pacifique », a expliqué la conseillère à la sécurité nationale du président américain, Susan Rice(1). « A un moment marqué par des tensions régionales – en particulier autour de la Corée du Nord et en raison de disputes territoriales -, cette tournée nous offre la chance d’affirmer notre attachement à un ordre fondé sur le droit dans la région », a-t-elle ajouté. « Il y a une demande significative pour que les Etats-Unis jouent un rôle de leader dans cette région, et notre stratégie de rééquilibrage concerne les secteurs économique, politique, culturel et les questions de sécurité en Asie du nord-est et du sud-est », a encore expliqué Susan Rice.

Cette visite « oublie » pourtant la Chine communiste mais cette dernière sera évidemment en toile de fond et au cœur des discussions tant les différends territoriaux sont saillants entre les 4 Etats et Pékin. Les Etats-Unis sont perçus par de nombreux pays comme « un contrepoids à la Chine ».

La visite au Japon revêt un caractère stratégique pour les deux pays et M. Obama sera le premier président américain à visiter le Japon « en tant qu’hôte d’Etat » depuis le voyage de Bill Clinton en avril 1996.

Barack Obama doit dîner avec le Premier ministre Shinzo Abe. Le lendemain, après avoir été reçu au palais impérial, le président américain devrait tenir une conférence de presse commune avec le chef du gouvernement japonais.

Les questions de défense et le différend avec Pékin sur les îles Senkaku, à l’extrême sud-ouest de l’Archipel nippon seront abordées. Tokyo attend un soutien ferme de Washington. Selon le grand quotidien japonais conservateur Yomiuri Shimbun -> http://the-japan-news.com/news/article/0001225835], les Etats-Unis « devraient insister sur la force de l’alliance stratégique nippo-américaine », fondée sur le traité de sécurité bilatéral de 1960 et la présence de quelque 50 000 militaires américains. « La politique des Etats-Unis est claire les îles Senkaku sont administrées par le Japon et par conséquent entrent dans le champ d’application de l’article 5 du traité américano-japonais de coopération et de sécurité mutuelle. Et nous nous opposons à toute tentative unilatérale visant à saper l’administration du Japon de ces îles », a d’ailleurs déclaré M. Obama [avant sa visite au Japon.

MM. Abe et Obama devraient aussi aborder les questions économiques et discuter des négociations sur le TPP. Pour le moment, elles butent encore sur la baisse demandée par les Etats-Unis sur les droits de douanes qu’impose Tokyo sur certains produits agricoles-> http://www.dw.de/trade-security-top-obamas-agenda-in-japan/a-17577565]. Du côté japonais, on souhaite une baisse des tarifs douaniers imposés sur les voitures et les camions légers japonais importés aux Etats-Unis. Une percée est-elle possible dans ces négociations ? Pas sûr. En revanche, « un nouvel élan pourrait être donné aux négociations », [selon un haut responsable américain(8).

Un accord qui devrait être signé pendant la visite concerne un programme d’échange qui permettra de doubler le nombre de Japonais étudiant dans des universités américaines, 20 000 à l’heure actuelle, tout en augmentant le nombre d’étudiants américains dans les universités japonaises, actuellement au nombre de 12 000.

Si la visite d’Obama se concentrera donc sur des problématiques propres aux relations bilatérales, elle s’insérera aussi dans celles communes aux Etats visités. Ainsi, dans la déclaration conjointe finale attendue jeudi à Tokyo un accord devrait être annoncé, selon le Yomiuri Shimbun , pour aider les nations de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) « à renforcer leur capacités de surveillance maritime dans le contexte de l’expansion maritime de la Chine dans la mer de Chine méridionale ». Selon les sources du Yomiuri , « l’aide conjointe du Japon et des Etats-Unis aux pays de l’ASEAN inclurait la fourniture de navires de patrouille, l’entraînement des personnels des garde-côtes et l’établissement d’un cadre pour partager l’information entre les pays concernant les navires pirates et autres vaisseaux suspects ».

Cette aide servira les intérêts des Etats-Unis et du Japon. « Les capacités de surveillance du Vietnam et des Philippines, en particulier, sont considérées comme vitales pour empêcher des avancées maritimes unilatérales de la Chine, alors que ces pays sont impliqués dans des différends territoriaux avec Pékin », souligne le Yomiuri . Ces moyens permettront aussi de renforcer la liberté de circulation et les lignes de communication maritimes vitales pour Washington et Tokyo.

Après le Japon, Barack Obama fera étape à Séoul, où s’entretiendra avec la présidente Park Geun-Hye, et évoquera en particulier la Corée du Nord qui pourrait être en train de préparer un quatrième essai nucléaire, et qui développe son programme de missiles balistiques. Le président américain tâchera également d’apaiser les tensions entre Séoul et Tokyo autour du comportement du Japon dans la péninsule coréenne pendant la Seconde guerre mondiale. Un exercice difficile alors que mardi 22 avril près de 150 élus conservateurs, de même que le ministre des Affaires intérieures japonais Yoshitaka Shindo, ont prié au sanctuaire controversé Yasukuni de Tokyo pour les morts honorés, soit 2,5 millions de militaires tombés pour le Japon, mais aussi 14 criminels de guerre condamnés par les alliés après la défaite nippone à la Seconde guerre mondiale.

En Malaisie, où il sera le premier président américain à se rendre depuis Lyndon Johnson en 1966, Barack Obama sera l’hôte d’un dîner d’Etat le 26 avril, avant des entretiens avec le Premier ministre Najib Razak et une visite de la Mosquée nationale de Kuala Lumpur le lendemain. « Obama prévoit de discuter des relations économiques et de défense bilatérales », selon The Global Post (12).

Enfin, le 28 avril, Barack Obama se rendra aux Philippines, où il s’entretiendra avec le président Benigno Aquino. « Selon un représentant du gouvernement des Philippines, Obama prévoit de discuter des tensions avec la Chine sur les litiges territoriaux en mer de Chine du Sud », indique encore The Global Post .

Le site souligne que « Obama, qui sera le premier président américain à visiter les Philippines depuis George W. Bush en 2003, et Aquino devraient également parler d’un projet de pacte militaire visant à renforcer le déploiement militaire américain aux Philippines ».

Après le « cafouillage » d’octobre, la tournée d’Obama devrait donc marquer le renforcement de l’engagement américain dans la région Asie-Pacifique et de la sécurité de cette zone vitale de l’économie mondiale.

(1) Stephen COLLINSON, « Obama en Asie pour rassurer les alliés des Américains », AFP, 21 avril 2014


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