ANALYSES

Négociations climatiques : un successeur au protocole de Kyoto en 2015 ?

Tribune
6 août 2013
Ces résultats demeurent inquiétants à quelques mois de la 21e conférence qui se tiendra probablement en France en 2015, et qui aura la lourde tâche de façonner le successeur de Kyoto. Ces inquiétudes reposent sur plusieurs blocages pour l’instant complexe à déverrouiller.

La principale difficulté concerne le changement d’échelle avec l’imposition de réductions d’émissions à l’ensemble des pays de la planète, notamment les émergents qui en étaient jusque-là exemptés. En effet, la « responsabilité commune mais différenciée », principe central de Kyoto, stipulait que, malgré le fait que tous les pays soient émetteurs de GES, l’effort de réduction des émissions devait être supporté essentiellement par les pays développés, reconnus principaux responsables de l’augmentation de la concentration de GES dans l’atmosphère du fait de la révolution industrielle. Néanmoins, c’est bien la Chine qui est désormais, depuis 2007, le premier émetteur mondial de GES.
L’idée selon laquelle la géographie des émissions ne correspond pas à la géographie des risques vient également légitimer ce saut quantitatif. Si les principaux pays émetteurs de GES sont rarement les plus exposés aux manifestations du changement climatique (montée des mers et des océans, fonte des glaciers, augmentation de la fréquence et de la violence des épisodes météorologiques exceptionnels), la compensation financière des dégâts causés dans d’autres pays ne suffit pas. De plus, le financement de ces actions et mesures d’adaptation et d’atténuation (mitigation) peine à voir le jour, en témoignent les difficultés d’approvisionnement du Fonds vert pour le climat, censé constituer une enveloppe de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020.

Comme tout accord international, les déclarations adoptées lors des conférences des parties sont le fruit d’un compromis issu de rapports de force. Leurs conclusions demeurent donc assujetties aux intérêts des États parties à la négociation. Au-delà de ce simple constat, plusieurs dysfonctionnements sont à souligner.
Tout d’abord, le différentiel de taille des délégations nationales et leur poids dans les discussions parallèles menées durant les deux semaines de pourparlers. Les Etats les moins riches et les plus exposés aux changements climatiques sont les moins bien représentés. Victimes de ce déséquilibre ils ne sont en effet pas en situation de défendre au mieux leurs intérêts lors des négociations.
Il faut y ajouter le lien indéfectible entre diplomatie climatique et considérations nationales. En effet, le poids des lobbies nationaux, particulièrement ceux issus des pays émetteurs de GES, constitue un élément important dans l’établissement par les décideurs politiques d’une ligne jaune à ne pas franchir pour leurs négociateurs. D’une part pour ne pas se voir pénaliser lors du financement de leur campagne électorale mais aussi afin de ne pas être sanctionné par un électorat parfois dubitatif car peu concerné par les manifestations du dérèglement climatique.
De même, la méthode d’adoption des textes par consensus semble avoir atteint ses limites et constitue un frein majeur à l’élaboration d’un instrument de limitation des émissions ambitieux.
L’évolution de la relation entre Washington et Beijing, dont l’opposition commune à un mécanisme de régulation international contraignant avait fait échouer le très médiatique sommet de Copenhague en 2009, promet également d’être déterminante, tout comme le comportement de l’Inde ou de la Russie. Cette dernière, tout comme le Canada du fait de son statut d’État circumpolaire, est intéressée par les modifications climatiques de l’Arctique dont elle pourrait tirer bénéfice (accès aux ressources, routes maritimes).
Une autre inconnue demeure le rôle de l’Union européenne et l’avenir de son alliance passée avec les pays les plus exposés aux changements climatiques (Pays les moins avancés d’Afrique subsaharienne, petits États insulaires). Si cette relation avait plutôt fonctionné jusqu’à aujourd’hui, elle semble se fragiliser du fait des incertitudes entourant la question du financement des mesures d’adaptation et d’atténuation, en partie à cause des politiques d’austérité et de la résurgence populiste liées à la crise.
L’opinion publique aura ici également un rôle à jouer pour faire émerger durablement l’environnement en tant qu’enjeu électoral afin qu’il intègre véritablement le logiciel des décideurs politiques et que cela se concrétise lors de la conférence de 2015 en un nouvel accord global contraignant poursuivant des objectifs ambitieux et responsables.

Pour davantage de développement, consulter Bastien ALEX, « Négociations climatiques internationales : l’impasse ou le sursaut », La Revue internationale et stratégique, n °90, IRIS éditions/Armand Colin, été 2013.