ANALYSES

Le clan Obama : décryptage et influence

Tribune
24 janvier 2013
François Clemenceau, rédacteur en chef international au Journal du Dimanche, ancien correspondant à Washington de 2003 à 2010, vient de publier « Le Clan Obama, les anges gardiens de Chicago »
Peut-on parler d’un clan de Chicago autour d’Obama et quelle est son influence réelle ?
Le « clan de Chicago » désigne dans mon livre uniquement les proches et les conseillers de Barack Obama qui l’ont connu à Chicago et l’ont rejoint à la Maison Blanche en 2008. Ce sont en quelque sorte ses « gardes du corps politiques ». La plupart le fréquentent ou travaillent avec lui depuis le début des années 90, lorsqu’il revient d’Harvard et entame une carrière politique dans l’Illinois. Certains ont une influence considérable sur sa politique, qu’il s’agisse de David Axelrod, l’architecte de ses victoires électorales depuis 2004, de Valerie Jarrett, la « sœur ainée » du couple Barack-Michelle qui les suit et les protège depuis leurs fiançailles ou de Rahm Emanuel, l’ancien secrétaire général de la Maison Blanche devenu maire de Chicago et qui est le seul à ne pas avoir pris part à la campagne de 2008 parce qu’il avait choisi de rester neutre en raison de sa grande proximité avec le couple Clinton. D’autres membres du « clan » sont des intimes d’Obama et exercent une influence positive sur sa vie personnelle, son équilibre familial, ses rapports avec la société civile américaine dont on se sent si coupé lorsqu’on est enfermés dans le bureau Ovale. C’est le cas de Susan Sher, qui travaille avec Michelle Obama depuis qu’elles se sont connues à la mairie de Chicago, de Marty Nesbitt et Eric Whitaker, un homme d’affaire et un médecin noirs devenus des vrais « potes » du couple Obama et qui partagent avec eux un parcours méritant et réussi au sein de la communauté noire de Chicago.

Vous faites un portrait saisissant de Rahm Emanuel. Vous écrivez même qu’il pourrait être un candidat sérieux pour la présidentielle de 2016. Quels sont ses atouts ?
Disons que si Hillary Clinton ne se présente pas aux primaires du parti démocrate en 2016, notamment pour des raisons de santé, Rahm Emanuel ferait un candidat très séduisant pour les démocrates. Il a dix ans de moins qu’elle, il a cumulé toutes les expériences du pouvoir avec deux passages par la Maison Blanche, une carrière fulgurante au Congrès où il représentait l’Illinois et depuis l’an dernier la mairie de Chicago, la troisième ville des Etats-Unis. C’est l’un des meilleurs fund raisers du pays, un talent qu’il a mis au service de tous ses patrons, de Clinton à Obama en passant par Nancy Pelosi, la cheftaine du camp démocrate au Congrès. Il a surtout cet avantage de ne pas être un pur liberal , c’est-à-dire un activiste de gauche. Ce qui, dans le jeu politique américain qui se joue de plus en plus au centre, plaide en sa faveur. On avait enfin dit qu’après Obama, premier noir à devenir président, on pourrait avoir Hillary Clinton, première femme présidente. Avec Rahm Emanuel, les Américains se doteraient de leur premier président juif. Rahm Emanuel est le fils d’un sabra israélien qui a combattu dans les rangs de l’Irgoun pendant la guerre d’indépendance d’Israël. Rahm Emanuel a été l’organisateur de la fameuse poignée de main Arafat-Rabin à la Maison Blanche pour la signature des accords d’Oslo. Cette expérience l’a marquée pour la vie.

Comment envisagez-vous le second mandat d’Obama en politique étrangère ?
La force d’Obama, c’est qu’il a « un capital politique à dépenser » comme disent les Américains. Réélu confortablement, même avec six millions de voix de moins qu’en 2008, n’ayant rien lâché au Sénat en nombre de sièges et face à une opposition républicaine, majoritaire mais affaiblie à la Chambre des Représentants, il peut prendre des initiatives fortes sans craindre d’être repoussé dans les cordes par le camp de la droite américaine. A condition que cette diplomatie soit suffisamment consensuelle. Cela vaut pour la relation avec la Chine de Xi Jinping, qui constituera l’axe majeur de ce deuxième mandat à l’étranger. Cela vaut aussi dans la gestion du dossier iranien s’il réussit à convaincre Israël de ne pas frapper dès lors que les Iraniens se maintiennent dans une tentative de rester au seuil de l’arme nucléaire et donnent des garanties d’en rester-là. Sur la Syrie, le statu quo des Américains est de moins en moins tenable. Il va falloir trancher en faveur ou non d’une option militaire qui n’implique pas de troupes américaines au sol. En revanche, sur le dossier israélo-palestinien, je ne serai pas étonné que Barack Obama tente un coup. Comme l’avait fait Clinton vers la fin de son deuxième mandat. Si, lors d’un voyage à Jérusalem et Ramallah, ce qu’il n’a pas fait lors du premier mandat, il parvenait à obliger Israéliens et Palestiniens à reprendre la négociation, ce serait un immense pas en avant. Mais sur l’ensemble de ces sujets brûlants, le handicap d’Obama, c’est celui de tous les « lame ducks », c’est-à-dire de perdre de l’influence au fur et à mesure que sa présidence va vers sa fin. Jusqu’à présent, la plupart des présidents américains réélus ont raté leur sortie, quitte à devenir très populaires bien plus tard, comme Reagan et Clinton.

*Le Clan Obama, les anges gardiens de Chicago, (Riveneuve Editions), 280 pages. 15 euros.



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