ANALYSES

Et maintenant, la croissance ?

Tribune
9 mai 2012
Force est de constater que le diagnostic est plutôt bon et que les pays qui ont mené la plus grande austérité sont aussi ceux qui aujourd’hui affichent des taux de croissance parmi les plus faibles, voire sont en récession. C’est le cas entre autres de la Grèce ou de l’Espagne pour la zone euro mais aussi du Royaume-Uni hors de la zone. Or, nos destins sont tous liés aujourd’hui puisque nous sommes tous partenaires les uns des autres au sein du marché unique et lorsque la croissance n’est pas au rendez-vous dans l’un ou l’autre de nos pays, cela pénalise ou pénalisera tôt ou tard le reste de l’Union européenne. Les autorités allemandes, jusqu’alors si attachées à l’orthodoxie budgétaire, commencent d’ailleurs à en prendre conscience…

Il est donc clair que pour réduire les dettes publiques en Europe, il faudra préserver le peu de croissance qu’il nous reste et dans l’idéal, parvenir à stimuler cette croissance. Or, contrairement à une idée souvent répandue depuis qu’elle fut énoncée par un certain Jean-Baptiste Say, l’offre ne crée pas automatiquement sa propre demande. Quelles qu’en soient les explications et les raisons, cela est un fait. La croissance économique dépend à la fois de l’offre et de la demande. Dans un monde devenu global, l’offre doit être diversifiée, compétitive et innovante ; la demande, dynamique et stimulante.

Et, là encore le diagnostic présenté par le candidat aujourd’hui élu pour relancer la croissance est plutôt bon (celui de son adversaire n’était somme toute pas si différent, ce sont plus les moyens de guérir le malade qui n’étaient pas les mêmes !). La France doit parvenir à réindustrialiser son économie car l’industrie est la clé de tout, il n’y a pas de services et pas d’exportations accrues sans une production industrielle nationale, compétitive et innovante. La formation, l’éducation mais aussi l’innovation sont également centrales : il n’y a pas d’industrie compétitive sans R&D assurant la « compétitivité technologique » de celle-ci ni sans une main-d’œuvre hautement qualifiée. A la clé de tout cela, la croissance créera de l’emploi donc de la demande et permettra de réduire le déficit puis la dette publique.
Certes, tout cela est séduisant mais aussi, au moins dans un premier temps, coûteux pour le budget public. Certains diront que cela n’est pas grave et que si les résultats sont au rendez-vous, au final, l’équilibre sera restauré. C’est oublier que le temps manque et que le règlement de la question budgétaire est urgent ! Il faut donc penser à la fois en termes de croissance et de rigueur et donc parvenir à relancer la machine économique à moindre coût (pour ne pas dire à coût nul) pour les finances publiques. Plus facile à dire qu’à faire et ce, d’autant plus que les besoins financiers pour parvenir à des résultats sont énormes : investir dans l’éducation ou la recherche est couteux et dans le même temps, il faut restaurer la compétitivité de notre économie. Le travail est coûteux en France et il plombe la compétitivité de nos entreprises, c’est un fait. La situation pourrait être pire encore si la productivité du travail ne s’était pas autant améliorée depuis 20 ans mais elle n’a pas suffit à préserver notre compétitivité. Et, il n’est pas ici question de nous comparer à la Chine mais simplement à l’Allemagne… Or, pour réduire le coût du travail sans affecter les salaires réels (sinon qui consommera ?), il faudra réduire les charges sociales et/ou les prélèvements obligatoires. Cela génèrera (au moins dans un premier temps si la croissance augmente ensuite) de moindre recettes publiques qu’il faudra compenser par des économies ou de nouveaux impôts (bien pensés pour affecter le moins possible la consommation).

L’avenir politique devra donc être innovant afin de trouver de nouveaux moyens d’assurer une meilleure gestion des fonds publics donc des administrations et du service public, de nouveaux types de prélèvements pour en alléger d’autres, de nouvelles politiques économiques, industrielles et d’innovation. De ce point de vue et au vu du contexte, on peut comprendre les réticences de certains vis-à-vis de la TVA sociale ou anti-délocalisations (les risques sont réels) mais l’idée ne doit toutefois pas être totalement écartée.

L’avenir politique devra également être européen car l’une des explications de nos problèmes actuels vient aussi d’une inadéquation entre nos choix européens (plus d’intégration et moins de souveraineté) et nos choix politiques nationaux ces 20 dernières années. Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins au sein de l’Union européenne : soit nous choisissons plus d’Europe et nous en tirons toutes les conséquences et nous prenons tous les engagements nécessaires pour que cela marche (le pacte de croissance n’est rien d’autre qu’une nouvelle stratégie de Lisbonne dans laquelle aucun Etat européen ne s’est réellement engagée), soit nous allons vers une déconstruction progressive de l’Union dont nul ne connait les conséquences potentielles…
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