ANALYSES

Faut-il s’inquiéter de l’expansion du budget militaire chinois ?

Tribune
2 mars 2012
La Chine modernise son armée à marche forcée. Pékin affirme vouloir rattraper un retard de 20 à 30 ans. On attend une augmentation des investissements dans plusieurs grands programmes d’équipement chinois, y compris le développement d’avions de combat tels que le Chengdu J-10B, ou l’avion plus furtif J-20, dévoilé il y a un an, qui a une ressemblance avec l’avion de combat furtif américain F-22. Les missiles, en particulier anti-porte-avions à longue portée, seront aussi privilégiés. Par ailleurs, Pékin devrait continuer à améliorer ses capacités spatiales.
En matière navale, Pékin modernise à grande vitesse sa marine. Elle va se doter de porte-avions. Au moins un, l’ex-Varyag, un porte-avions ukrainien inachevé racheté en 1998, est en cours de reconstruction. Un deuxième navire de ce type, entièrement conçu en Chine, pourrait être mis en service d’ici 2015.
Certains en viennent à parler d’un déclin américain et d’une menace sur la suprématie de la première puissance mondiale dans le Pacifique Ouest. Ce déclin est relatif. Le budget chinois devrait être trois fois inférieur à celui des Etats-Unis en 2015 selon l’IHS malgré les coupes dans celui du Pentagone.
Si l’on s’attache à la marine, priorité de la défense chinoise avec l’aviation, la comparaison avec l’US Navy est peu flatteuse. En nombre de navires de combat, la marine américaine égale le niveau des flottes chinoise et russe réunies, soit respectivement 203 bateaux contre 205. Ses 11 porte-avions et ses 10 porte-aéronefs représentent le niveau de neuf puissances et ils utilisent 980 avions. Pour l’instant la Chine n’oppose rien en la matière et il faudra de nombreuses années pour constituer des groupes navals pouvant rivaliser avec l’US Navy.
Quant à l’aviation, les forces chinoises ne se sont encore que partiellement modernisées. Deux tiers des 1600 avions déployées par celles-ci sont toujours basés sur les vieux Mig-19 et Mig-21 des années 1950-1960, et moins d’un quart de ses avions de combat est de quatrième génération.
Xi Jinping et la défense chinoise

Le futur numéro un chinois et actuel vice-président chinois, Xi Jinping va-t-il changer la donne ? C’est peu probable car il a tout intérêt à jouer sur la fibre nationaliste – la puissance militaire en est un aspect – pour s’assurer de précieux soutiens au XVIIIe congrès du Parti communiste à l’automne 2012. Reçu avec les honneurs aux Etats-Unis, Xi Jinping n’a pu masquer les différends entre les deux premières puissances mondiales.
Si, Xi Jinping a multiplié les appels à la coopération, il aussi rappelé l’irritation de la Chine face aux ventes d’armes américaines à Taïwan. Celui qui est aussi vice-président de la Commission militaire centrale contrôlant l’armée chinoise a mis en garde les Etats-Unis contre un accroissement trop brutal de leurs ressources militaires en Asie. La nouvelle doctrine stratégique américaine est clairement orientée vers cette zone. « Nous renforcerons notre présence en Asie-Pacifique », a déclaré M. Obama en janvier, « et les réductions budgétaires ne viendront pas au détriment d’une région capitale». On en observe déjà les effets avec un renforcement de la présence militaire américaine, notamment avec l’implantation d’une base dans le Nord de l’ Australie, mais aussi dans les îles stratégiques américaines comme Guam.
Ce renforcement inquiète Pékin qui craint l’encerclement. Dans un discours aux Etats-Unis, M. Xi a indiqué que les deux nations « doivent chacune respecter les ‘intérêts fondamentaux’ de l’autre tout en travaillant à renforcer la confiance et la coopération sur une série de questions ». Il vise ainsi à souligner l’existence d’une ligne que les États-Unis ne devraient pas franchir dans les discussions avec la Chine, notamment la question de l’indépendance de Taïwan et du Tibet.
En mars 2010, signe de son inflexibilité, elle aurait même fait savoir à de hauts responsables américains qu’elle considérait la mer de Chine méridionale comme une question d’intérêt national, au même titre que Taïwan ou le Tibet.
Cette région est vitale. C’est parce que la Chine a d’importants différends territoriaux maritimes – îles Paracels et Archipel des Spratly (Nansha en chinois) – avec ses voisins. Pour des raisons historiques et stratégiques, et aussi parce qu’une grande partie de son commerce passe par cette zone. Il y a déjà eu plusieurs incidents graves par exemple entre la Chine et le Vietnam. Plus au nord, d’autres zones sont aussi l’objet de différends. En septembre 2010 un incident dans les îles Senkaku (Diaoyu en chinois), en mer de Chine orientale, a conduit à de vives tensions entre Pékin et Tokyo alors même que les pays sont devenus les principaux partenaires commerciaux respectifs. L’interdépendance économique ne signifie pas l’absence de conflits.
Cet « expansionnisme » chinois a d’ailleurs conduit le Vietnam à se rapprocher militairement des Etats-Unis. Les Philippines ou encore Singapour vont dans le même sens. Par ailleurs les alliances entre les Etats-Unis et la Corée du Sud ou celle entre les Etats-Unis et le Japon se renforcent comme le montrent les exercices navals périodiques.
Dans ce contexte, la Chine communiste a tout intérêt au maintien de la stabilité politique en Corée du Nord afin de disposer d’un Etat tampon face à la présence américaine. Les dirigeants s’efforcent de garantir la stabilité dans la période d’installation dans le pouvoir de Kim Jong-un afin d’éviter des incidents comme en 2010 avec la Corée du Sud. Mais rien ne garantit que le nouveau dirigeant lancera de nouvelles provocations (tirs de missiles, bombardements, voire essais nucléaires) pour asseoir son pouvoir et obtenir des concessions des Occidentaux.
Les facteurs de tensions en Asie de l’Est, de la Péninsule coréenne au Sud de la mer de Chine, ne sont donc pas près de s’éteindre. Le budget chinois en expansion, avec les équipements militaires qui en sont la conséquence, ne peut que les aggraver, surtout là où la disproportion des forces peut entraîner des pressions chinoises…
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