ANALYSES

Afghanistan : le Réseau de distribution nord sur la sellette

Tribune
27 décembre 2011
S’agissant du fret militaire (munitions, matériels) on sait seulement que, depuis cette année, la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan avaient autorisé le transit aller (vers l’Afghanistan) de véhicules blindés. De même, on savait que, depuis longtemps, une voie aérienne complète ce dispositif. Survolant la Russie, le Kazakhstan, le Kyrgyzstan, le Tadjikistan, voire l’Ouzbékistan, elle a permis depuis sa création en 2009 le passage, entre autres coalisés, de 225.000 soldats américains à bord de 1500 vols militaires. Comme le transport militaire (particulièrement pondéreux) ne peut se faire intégralement par la voie aérienne, appelée parfois « Route du nord », à partir notamment de l’Alaska (coût 14 000$ pour une tonne des Etats-Unis à Bagram, mais beaucoup moins à partir des bases américaines dans le Golfe persique), il existerait aussi un transport ferroviaire et routier de matériels militaires et de munitions par le RDN, mais qui se ferait très discrètement probablement sous couverture civile.

Depuis la fermeture ‘permanente’, fin novembre, par le Pakistan du Réseau de distribution sud à partir de Karachi, le RDN est sur la sellette. Suffira-t-il ?

De quoi se compose-t-il ? La voie ferroviaire (VF) essentielle va de Riga (Lettonie) à Termez via la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. La voie routière (VR) emprunte en gros le même axe. Un axe d’appoint (VF, VR et voie maritime) encore expérimental est celui transitant à partir du port turc de Metin ou du port géorgien de Poti par la Transcaucasie vers Bakou, puis, par la Caspienne, vers les ports kazakhs (Aktau surtout). A noter que le port turkmène de Turkmenbachi et l’itinéraire VF et VR de ce port jusqu’à Kuchka sur la frontière afghane ont pu être utilisés malgré la neutralité turkmène.

Un autre axe en plein développement va de la base de transit de Manas au Kyrgyzstan vers le Tadjikistan par l’Alaï et la vallée de Garm (qui viennent d’être équipés d’une route à 3 voies par les Chinois…). Un convoi de l’OTAN observé en septembre au Kyrgyzstan se composait d’environ 150 camions à l’état neuf, gros porteurs, avec des immatriculations tadjikes. Mais des camions kirghizes sont aussi utilisés. Du Tadjikistan, le fret peut rejoindre Koundouz en Afghanistan par VR par un nouveau pont sur le Pyandj ou bien Termez par VF, soit à partir de Douchanbé, soit à partir de la région de Kourgan-Tiubé. L’attentat récent sur un pont ferroviaire proche de la frontière afghane dans la région de Termez (dont l’origine est pour l’instant peu claire) bloquerait, selon les Ouzbeks, du fret de l’OTAN.

Il convient de souligner que, pour l’instant, le transit par le RDN est prévu pour l’aller. Son utilisation pour le retour des matériels du corps expéditionnaire, qui augmentera le trafic de 300%, promet bien des tractations diplomatiques. Notons que Moscou pourrait fermer directement ou indirectement (par l’intermédiaire de son allié le Kazakhstan) l’ensemble des voies pratiquées par le RDN. Ce serait un atout pour la Russie dans la partie qu’elle commence à mener contre le maintien après 2014 de bases américaines en Asie centrale, contre le déploiement de missiles américains en Pologne et en Roumanie ou pour la défense de la Syrie, voire de l’Iran face aux Etats-Unis.
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