ANALYSES

Eléctions, référendum : les Italiens ont entre leurs mains le destin de leur pays

Tribune
9 juin 2011
Par Giorgia Castagnoli, journaliste
L’élection de Giuliano Pisapia, qui au deuxième tour a obtenu 55% des voix, a ainsi obligé Letizia Moratti appartenant au parti de centre-droit le Peuple de la liberté (PDL), à quitter, après une violente campagne électorale, la mairie de Milan, qui s’apprêtait d’ailleurs à préparer l’Exposition universelle de 2015, rendez-vous d’une importance fondamentale pour relancer le « Made en Italy ». Défaite bien nette aussi à Naples, où le candidat du parti l’Italie des valeurs (IDV), Luigi de Magistris, a gagné avec 65% de voix. Si la réaction du Cavaliere a été de minimiser le phénomène, on envisage déjà, à l’intérieur de son parti, affaibli aussi par plusieurs tensions internes, les élections primaires pour choisir des candidats plus proches du territoire et plus apprécié par la population.
De son côté, la Ligue du Nord admet le fait que cette dernière élection « a été une gifle », vu qu’elle a perdu tous les défis stratégiques au Nord, et reconnaît qu’il faut, dès à présent, « réfléchir pour 2013 » [date des élections politiques].
De l’autre côté de l’échiquier politique c’est l’euphorie : 70.000 personnes ont acclamé M. Pisapia sur la place du Dôme à Milan, tandis que près du Panthéon romain, Pier Luigi Bersani, leader du parti Démocrate (PD), exultait avec Romano Prodi, revenu pour l’occasion dans la tribune politique.
A noter tout de même que la gauche n’échappe pas à de nombreuses critiques quant à son choix de candidats. En effet, les deux gagnants cités ne revendiquent pas leur appartenance au PD, mais plutôt à une gauche externe au parti qui appelle celui-ci à redéfinir son identité.

Les données électorales semblent donc révéler un sentiment de désaffection des citoyens à l’égard des principaux partis. Afin de comprendre encore mieux la situation politique actuelle, il est également intéressant de se pencher sur le type d’électeurs que chaque parti est à même de viser. Un sondage SWG a remarqué, sur la base des élections municipales, que le centre-gauche touche un électorat assez jeune, cultivé, et bien inséré dans le monde du travail, tandis que le centre-droit a plus de succès auprès de la population caractérisée par un niveau de scolarité plus bas et auprès des plus âgés. Si l’interprétation des sondages est toujours difficile et controversée, cela peut, tout de même, donner une indication qui sera confirmée ou non lors du référendum abrogatif prévu les 12 et 13 juin 2011, qui portera sur la libéralisation de l’eau, ‘l’empêchement légitime’ qui permet à M. Berlusconi de ne pas se présenter aux audiences de ses procès, et surtout sur le retour de l’Italie au nucléaire, mettant à nouveau en examen le travail du gouvernement Berlusconi.
Les indications concernant l’objet des quatre questions référendaires ont été, jusqu’ici, peu claires et peu nombreuses, même l’Agcom, l’Autorité garante des communications de la Rai, la télé d’Etat, a donné un dernier avertissement pour que plus d’explications soient données aux citoyens par le biais des médias. Mais en réalité, ceci cache le véritable dessein du gouvernement italien qui souhaite ne pas arriver au quorum du 50% +1, comme en témoigne la déclaration du Cavaliere pour qui « le referendum est inutile ». En effet, si plus de la moitié des Italiens ne vont pas voter, le référendum n’a plus aucune valeur.

Quels sont donc les problèmes pour le moins épineux, sur lesquels les Italiens sont appelés à se prononcer?
La première question porte sur l’abrogation de chaque référence normative permettant le retour des centrales nucléaires énergétiques, voulu par le gouvernement. Il faut se souvenir que, non seulement les Italiens avaient dit « Non au Nucléaire » en 1987 (après le désastre de Tchernobyl), mais que la tragédie de Fukushima ainsi que la décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire peuvent peser lourd dans l’attitude des électeurs.
Deux autres questions concernent une ressource d’une importance fondamentale : l’eau. Les citoyens doivent décider s’ils veulent bloquer ou non l’attribution de la gestion du service hydrique public à des sujets privés, et s’ils souhaitent empêcher que les entreprises privées puissent en obtenir des bénéfices.
Enfin, la dernière question porte sur les rapports entre justice et politique. Les citoyens doivent se prononcer sur l’abrogation éventuelle de la loi du 07/04/2010 n. 51, déjà déclarée partiellement inconstitutionnelle par la Consulta Nationale (équivalent de l’Assemblée nationale), car elle a été jugée contraire au principe d’égalité des citoyens devant la loi. Cette loi, en effet, permet aux ministres de ne pas se présenter devant les juges quand ils sont trop occupés par les affaires d’Etat.
Plusieurs intellectuels de gauche lancent des appels, notamment sur le web, pour inciter les gens à aller voter, en invoquant la responsabilité civile et l’importance des choix pris, étant donné leurs conséquences pratiques et directes sur la vie des citoyens. Ces intellectuels n’ont aucune certitude d’atteindre le quorum en ce week-end end estival.
De son côté, le parti au pouvoir cherche à se réorganiser et à résoudre le problème des comptes publiques. Avant le 20 juin le Cavaliere doit trouver un accord avec Giulio Tremonti, ministre de l’Économie et des Finances, afin de mettre en œuvre un plan de rigueur de 40 milliards d’euros, mené conjointement avec l’UE pour relever l’économie italienne. L’Italie connaît effectivement une dette publique de 120%, ainsi qu’un déficit par rapport au PIB de 2,6% selon les estimations de l’OCDE. Ces dernières prévoient également une croissance de +1,1%.

Dans cette situation d’équilibre plus que précaire, on ne peut que suivre l’évolution d’une économie qui, au-delà des querelles politiques, doit tout faire pour éviter que le pays ne sombre à son tour face à la crise économique européenne.
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