ANALYSES

Engagement militaire en Libye : à la recherche de la rupture tactique?

Tribune
25 mai 2011
En effet, pour échapper aux coups, les forces régulières libyennes ont naturellement adopté les organisations et tactiques de la guerre asymétrique et n’offrent plus désormais de cibles pouvant être attaquées avec des bombes ou des missiles de croisière, aux effets collatéraux dévastateurs, aussi précis soient-ils. Les casernes sont vides, les dépôts de munitions détruits, les colonnes de chars à l’état de ferraille. Les soldats et miliciens se sont reconstitués en groupes mobiles, utilisant des véhicules civils, des armements plus légers et moins visibles mais toujours aussi meurtriers. Ils combattent les forces combattantes du Conseil national de transition libyen, dans les agglomérations, au plus près de la population et causent toujours de sérieuses pertes. Dans ce nouveau modèle d’affrontement, les ‘frappes aériennes’ sont inopérantes et peuvent même devenir contre-productives par les risques qu’elles font courir aux civils et par la drastique baisse marginale de leur rapport coût-efficacité aux plans militaire, financier, politique et médiatique. Le danger est maintenant que les forces de Kadhafi s’enkystent dans les zones insurgées, dans un rapport de force équilibré avec les opposants et que se développe une guerre civile alternant actions terroristes, accrochages violents, pogroms sur les populations et bien d’autres modes d’expression de la violence encore à découvrir, permettant au régime de Tripoli de garder la main.

Sans déborder du cadre politique donné par le Conseil de sécurité, la coalition doit trouver les réponses militaires adaptées à cette nouvelle situation. L’annonce du déploiement d’un bataillon d’hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre sur un bateau de la Marine en Méditerranée est une nouvelle importante. La stratégie de ‘l’aérocombat’ vers lequel il apparait que France et Royaume Uni s’orientent est en effet la réponse la plus appropriée.

Nous avons vu ces tactiques à l’œuvre en Colombie contre les FARC, récemment en Côte d’Ivoire avec les opérations par hélicoptères contre les forces de Gbagbo, nous les voyons tous les jours en Afghanistan contre les Talibans. Il s’agit d’utiliser les capacités de mobilité et de furtivité de jour et de nuit des hélicoptères, leurs moyens optiques, thermiques et radar de détection et d’identification de cible, leurs armements pouvant fournir des tirs précis avec des munitions au pouvoir de destruction maîtrisé et sélectif (canons, roquettes, missiles) en étroite coordination avec les combattants au sol du Conseil national de transition pour éradiquer, sans dommages collatéraux, les unités de contre-insurrection du colonel Kadhafi. Basés en haute mer sur les navires porte-hélicoptères, renseignés pour préparer leurs missions grâce aux liens établis entre la coalition et les insurgés, les hélicoptères pourront se déployer pour des opérations de chocs au-dessus du sol libyen, avec un contact par radio et même parfois à vue avec les combattants terrestres, sans pour autant pouvoir être assimilés à une ‘ force d’occupation ‘, puisqu’ils n’auront aucune empreinte terrestre.

A bord de son hélicoptère, un équipage peut repérer, identifier et tirer, jusqu’à huit kilomètres, un pick-up chargé de mercenaires. Il peut, à partir des zones d’action des troupes au sol et en liaison avec elles, attaquer les groupes contre-insurrectionnels et apporter des angles d’attaque et une vision différente du champ de bataille. Cette conjonction va permettre de créer un climat d’insécurité permanent pour les ennemis dans la zone des combats, là où, justement, ils sont une menace et où se joue le devenir de cette guerre.