ANALYSES

Pascal Boniface : « La mort de Ben Laden ne signifie pas la fin du terrorisme. »

Tribune
2 mai 2011
Lancée par les Républicains, la traque d’Oussama Ben Laden se conclut sous administration démocrate. Peut-on considérer cette mort comme une victoire d’Obama ? La stratégie américaine de lutte contre le terrorisme en sort-elle renforcée ?
C’est une victoire personnelle pour Barack Obama qui a réussi là où George W. Bush a échoué. Alors que ce dernier avait eu pour priorité l’Irak, le choix d’Obama de se concentrer sur l’Afghanistan et le Pakistan a conduit à la traque, l’arrestation et la mort de Ben Laden. Cela peut-il le servir pour les élections de 2012 ? C’est trop tôt pour en juger. D’autres évènements peuvent intervenir. Habilement, Barack Obama a associé son prédécesseur à ce succès, puisque George W. Bush a été l’un des premiers informés. Obama a voulu faire quelque chose de bipartisan, dans la grande tradition américaine. En effet, la meilleure façon de tirer un bénéfice politique de l’affaire est certainement de ne pas paraître tirer la couverture à soi.

Comment la mort de Ben Laden peut-elle être interprétée par l’opinion arabe ?
Le monde arabe est pour l’instant bien plus préoccupé par les différents évènements politiques en cours et de toute façon, l’impact de Ben Laden avait déjà fortement diminué. Son grand moment de gloire, outre le 11 septembre 2001, a été la guerre d’Irak où il a très largement recruté. Mais Al-Qaïda était déjà en perte de vitesse avant même la mort de Ben Laden, et celle-ci va accélérer sa régression, sans pour autant en signifier la fin.

Avec la mort d’un chef charismatique, entre-t-on dans une nouvelle ère du terrorisme ?
La mort de Ben Laden est un élément important. C’est bien-sûr la disparition de celui qui incarnait le terrorisme, qui en était la figure emblématique. Mais en même temps, les formes et les modalités du terrorisme ne dépendent pas d’une personne mais d’un contexte géopolitique, de conditions socio-économiques. La mort de Ben Laden ne signifie donc pas la fin du terrorisme.

Entre l’attentat de Marrakech et la mort de Ben Laden, doit-on craindre une nouvelle vague d’attentats ?
On peut effectivement penser que dans les jours ou les semaines qui viennent, il y aura une tentative d’augmenter le nombre d’attentats pour prouver que le terrorisme n’est pas terminé, qu’Al-Qaïda n’est pas mort. C’est un peu une constante : lorsqu’un mouvement terroriste est en perte de vitesse, il essaie de multiplier les opérations pour montrer que c’est l’inverse et qu’il est au contraire encore vigoureux. On peut donc effectivement craindre qu’Al-Qaïda et des gens autour de cette nébuleuse, dans la période qui s’ouvre, veuillent multiplier les opérations pour démontrer que la disparition de Ben Laden n’a pas conduit à leur affaiblissement.
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