ANALYSES

Jean-Pierre Maulny : « Le résultat militaire d’une zone d’exclusion aérienne n’est pas certain. »

Tribune
16 mars 2011
Dans quel cadre et par quels moyens pourrait-elle s’appliquer ?

Aujourd’hui, personne, a priori, ne souhaite qu’une telle opération puisse se dérouler sans que cela ne soit décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies par le biais du vote d’une résolution. Quant au cadre, cela peut être un cadre OTAN, mais la France ne le souhaite pas, ou également un cadre ad hoc, c’est-à-dire avec certaines nations qui seraient des nations-cadres. C’est ce que proposaient les Britanniques et les Français. Dans ce dernier cas les moyens seraient nationaux, ils pourraient provenir de pays occidentaux mais également de pays arabes puisque la ligue arabe souhaite cette zone d’exclusion aérienne.

Pourquoi les diplomaties tergiversent sur ce point ? Qui sont les pays favorables et ceux défavorables ?

Le sujet est assez difficile car la zone d’exclusion aérienne doit aboutir à un succès. Le succès serait naturellement le fait que le Colonel Kadhafi quitte le pouvoir. Cela n’est pas acquis d’avance car aujourd’hui la plupart des opérations menées par les troupes du Colonel Kadhafi sont des opérations au sol et non pas des opérations de bombardement aérien. Le résultat militaire d’une zone d’exclusion aérienne, c’est à dire l’arrêt des opérations militaires de l’armée libyenne contre le peuple libyen, n’est donc pas certain.
Par ailleurs, les pays poursuivent différents intérêts et ne sont pas tous sur la même position, que ce soit au niveau de la communauté internationale de l’OTAN ou au sein de l’Union européenne. On peut penser que des pays comme la Russie, la Chine voire la Turquie ne sont pas véritablement favorables à ce type d’opération et à tout type d’opération qui pourraient conduire à la partition de la Libye, car eux-mêmes ont des problèmes sécessionnistes dans leur pays. Au sein des Occidentaux, les Allemands ont commencé à conduire des opérations militaires en dehors de la zone de l’OTAN que depuis la fin de la Guerre froide. Mais ils n’ont jamais véritablement conduit d’opérations de guerre comme ce serait le cas pour une zone d’exclusion aérienne. On sait par exemple qu’en Afghanistan les règles d’engagement au feu des Allemands sont très strictes et ne s’éloignent que très peu du principe de légitime défense. Enfin, un pays comme les Etats-Unis semblent aujourd’hui très frileux par rapport à une opération militaire en Libye et ce quel que soit le type d’opération. Ils sont sans doute échaudés par les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Restent donc deux pays favorables à une intervention, qui sont la France et le Royaume-Uni.

L’option d’une opération au sol est rarement évoquée. Pourquoi ? Quels sont les freins à ce genre d’action ?

Tout le monde a malgré tout en tête cette option, mais tout le monde y est hostile, les Occidentaux, les pays arabes, y compris ceux de la Ligue arabe. Les rebelles libyens y sont également opposés, même si ce sont eux qui font face aux troupes du colonel Kadhafi. La crainte est de donner l’image d’une ingérence des pays occidentaux dans un pays arabe. Ici encore les enseignements des conflits irakiens et afghans militent pour une certaine retenue. Au bout d’un temps très court les troupes étrangères, même si elles sont libératrices, sont perçues comme des troupes d’occupation. Dans ce cas aussi il faudrait une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la Russie s’y opposeraient, et de toute façon aucun pays occidental ou pays arabe n’est favorable à une telle solution aujourd’hui.